Spectacle d'après le scénario du film éponyme d'Éric Rohmer, adapté et mis en scème par Guillaume Gras, avec Ivan Cori, Marie Guignard, Eurialle Livaudais, Nicolas Perrochet et Gonzague Van Bervesseles.
Ce n'est pas la première fois que des films d'Eric Rohmer deviennent des pièces de théâtre. Il y a quelques années, on avait déjà pu voir une version pour la scène du Rayon Vert, une autre de Pauline à la plage. Les nuits de la pleine lune avaient aussi subi le même sort.
Mais, il faut le dire, à chaque fois, on avait été déçu par le résultat. Peut-être que le cinéma de l'auteur de Ma nuit chez Maud étant réputé bavard et prenant presque uniquement la forme du plan-séquence, sa théâtralité paraissait évidente et qu'on ne comprenait pas pourquoi il y avait un hiatus entre les originaux filmés et leurs copies théâtralisées.
En voyant le travail de Guillaume Gras, tant sur l'adaptation du texte que sur la mise en scène qui en découle, on comprend mieux ce qui manquait aux précédentes tentatives : une certaine liberté de ton pour ne pas figer le système rohmérien dans un minimalisme didactique. Le résultat est brillant parce qu'il ne s'agit pas de se hisser au niveau de Rohmer mais d'en tirer prétexte pour faire vraiment du théâtre, un théâtre qui a compris que Rohmer n'était pas un penseur, mais un conteur qui aimait raconter des histoires en les agrémentant d'une petite morale finale plus proche de celles qui clôturaient les œuvres de la Comtesse de Ségur que de celles couronnant les fables du bon La Fontaine.
Avec L'arbre, le maire et la médiathèque, Guillaume Gras a trouvé le texte le plus adaptable au théâtre de Rohmer, celui où il ne s'agit pas à des personnages marivaudant dans un cadre fixe.
L'enjeu environnemental était presque prémonitoire en 1993 puisqu'il annonçait des problématiques actuelles, comme la construction d'une horrible médiathèque au cœur d'un lieu jusqu'à là préserver du béton. Il donne la possibilité aux comédiens de Guillaume Gras de bouger dans le joli cadre coloré aux réminiscences champêtres que la scénographe Suzanne Barbaud a imaginé. Dès lors, il est possible aux acteurs de s'y mouvoir avec aisance. Chose que n'avait pas lui-même vraiment réussi Eric Rohmer dans son unique pièce, Le Trio en mi bémol, variation assez plate et trop statique sur l'amour.
A l'inverse, l'argument de L'arbre, le maire et la médiathèque a une vraie consistance à la fois dramatique et politique, tout en n'oubliant pas de faire sourire. Si l'on assiste à de grandes manœuvres entre deux gros égos voulant triompher l'un de l'autre en s'opposant sur un question architecturale, on est dans la satire bienveillante. Guillaume Gras explique qu'il a voulu confronter Rohmer à un théâtre plus visuel, accueillant volontiers les gags : les Branquignols.
Grâce à cinq comédiens (Ivan Cori, Marie Guignard, Eurialle Livaudais, Nicolas Perrochet et Gonzague Van Bervesseles) très heureux de jouer du Rohmer vitaminé par le Robert Dhéry de Vos gueules les mouettes, créant une synthèse inédite qui ne se prend pas au sérieux et qui, évidemment, finit en chansons, on passera un agréable et hélas trop court moment.
Qu'on ne se fie pas à la modestie apparente du projet, y sont résolues toutes les questions qui se posent pour un passage réussi d'un film d'un écran de cinéma aux planche d'un théâtre. |