Spectacle écrit par Françoise Sagan et mis en scène par Emmanuel Gaury et Véronique Viel avec Odile Blanchet, Bérénice Boccara, Gaspard Cuillé, Emmanuel Gaury, Sana Puis, Benjamin Romieux.
Un château en Suède dans les année 50 où la famille Falsen vit en costume d'époque. Ces oisifs s'adonnent au piquet ou à la lecture, jouent à la chasse et attendent pour se divertir que de lointains cousins viennent séjourner au château. C'est le cas de Frédéric (épatant Gaspard Cuillé) qui va, alors que la neige isolera bientôt le château du reste du pays, découvrir un univers pour le moins étrange qui vit sous la coupe du seigneur Hugo (Emmanuel Gaury, inquiétant à souhait).
L'ancienne épouse du maître de maison, Ophélie (Sana Puis,touchante et drôle), donnée pour morte est retenue prisonnière tandis que sa femme, désoeuvrée et manipulatrice (Odile Blanchet, formidable), mène le bal. Le tout sous l'oeil de son frère cynique et incestueux (Benjamin Romieux, fabuleux) et de sa belle-soeur très attachée au protocole (désopilante Bérénice Boccara) qui oblige tout le monde, parce qu'elle détient les deux tiers du domaine, à vivre en costumes du XVIIIème siècle.
Après le remarquable Eurydice de Jean Anouilh monté précédemment, c'est à la première pièce de Françoise Sagan, peu jouée, que s'est attaquée la Compagnie du Colimaçon. Avec "Château en Suède" la romancière de "Bonjour tristesse" a écrit une fable décapante et burlesque, très loin du ton de ses romans, dont l'humour noir et le cynisme peut faire penser à certaines pièces anglaises. Elle y fait la critique au vitriol d'une certaine bourgeoisie.
Emmanuel Gaury et Véronique Viel ont concocté une magnifique mise en scène, aussi élégante que ludique, parsemée de trouvailles qui, comme une omelette norvégienne, se compose de plusieurs couches superposées qui se découvrent peu à peu.
Dans la scénographie aussi acérée que pailletée de Bastien Forestier qui suggère une ambiance glaçante, les comédiens sont tous formidables dans ce huis-clos délétère et prenant où les jeux de séduction et les tensions s'exacerbent tandis que dehors la neige tombe.
Les costumes superbes de Guenièvre Lafarge, la lumière précise de Jean-Pascal Pracht ainsi que la musique grisante de Matthieu Rannou donnent à ce "Château en Suède" des airs de conte jubilatoire et terrifiant. Assurément une belle réussite qui devrait connaître le même succès qu'Eurydice.
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