S'il y a une chose qui est rassurante, c'est de pouvoir compter sur les gens. Il n'en va pas autrement dans le domaine de la musique où, si on peut apprécier de bonnes surprises ou pardonner de mauvaises, on saura toujours gré à un artiste de proposer, avec constance, régularité et même un certain zèle des albums de qualité égale. Ce doit être une des raisons pour lesquelles j'apprécie toujours Archive aujourd'hui.
Malgré les changements de lineup et de label incessants, malgré la polémique constante entourant chaque nouvel album, dont il faut toujours se demander s'il est enfin l'album du renouveau tant attendu, ou si, au contraire, il est une nouvelle manifestation de la crise qui tourmente le groupe ; malgré tout cela, il me semble, à moi, qu'Archive ne s'est jamais vraiment écarté de son chemin et a toujours proposé des albums relativement égaux (si l'on excepte la consternante B.O du film Michel Vaillant).
D'ailleurs, si changements de lineup il y a effectivement souvent eu, il ne s'agissait que de changements de surface, n'atteignant pas le noyau dur de la formation : le duo Darius Keeler / Danny Griffiths, membres fondateurs et têtes composantes qui, pour leur part, semblent résister au temps qui passe.
D'où une certaine unité musicale, finalement évidente dans les compositions, malgré des arrangements et des interprétations différentes. Et cette unité, on peut la retrouver tout au long de la discographie du groupe. Bien entendu, du trip hop minimaliste de Londinium (Island records limited, 1996) aux guitares rageuses de Noise (East West, 2004), un certain chemin a été parcouru. Mais n'y a-t-il pas ici mutation progressive, plutôt que rupture perpétuelle ?
Quant à l'album du renouveau tant attendu, il me semble n'être qu'un fantasme, parce que je ne crois pas qu'Archive ait jamais déchu, qu'Archive ait perdu la gloire d'antan. Ce qui signifie deux choses : premièrement, que les albums d'Archive ne sont pas de plus en plus mauvais, n'illustrent aucune perte d'inspiration ou difficulté à avancer ; deuxièmement, que les anciens albums d'Archive n'étaient pas meilleurs que les nouveaux, que le groupe n'a jamais connu de véritable âge d'or et n'a jamais proposé d'album véritablement incontournable. En d'autres termes : le chef d'œuvre d'Archive reste à venir.
Bien entendu, on pourra être plus sensible à Londinium qu'à Take my head (Independiente ltd, 1999), ou considérer You all look the same to me (Warner, 2002) plus inspiré que Noise. Mais il n'y a là, finalement, qu'affaire de goûts, ou de nuances. En réalité, tous les albums d'Archive sont un mélange plus ou moins heureux de pièces finement ciselées, de matière première à l'état brut, de verroterie et de contrefaçons honteuses. Tout n'étant plus que question de proportion.
Lights, le nouvel opus du collectif, ne me semble pas devoir renouveler en profondeur ces analyses. On y assiste au départ de Craig Walker, qui avait été la voix d'Archive depuis You all look the same to me, remplacé par un Pollard Berrier qui se tire plutôt bien de l'exercice.
Du côté des compositions, et puisqu'il faut bien s'acquitter de cette besogne ingrate, on soulignera vite, au rayon des contrefaçons, l'incroyablement soporifique titre éponyme, "Lights", qui, du long de ses 18 minutes ( !) aurait pu être l'"Again" de Pollard Berrier mais n'est finalement qu'une espèce d'entracte superflu au milieu de l'album, que l'on mettra avantageusement à profit pour passer un coup de fil ou deux. C'est chiant, tout simplement. Presque déplacé.
Les bonnes surprises, comme sur Noise, viennent plutôt de titres courts, répétitifs, martelés, comme le "Sane" d'ouverture, où la voix de Pollard Berrier, un rien kraftwerkienne, sert à merveille un chant pop-synthétique de bon augure ; ou "System", le premier single, qui sait retrouver, dans ses paysages très machiniques, un groove rock'n'roll. "Sit back down" aurait pu être très bon, également, à ce jeu là, s'il ne se dispersait pas dans un bruitisme atmosphérique au léger arrière-goût de faux-départ.
Malheureusement, sur d'autres titres, Archive ne joue pas son propre jeu, et le reste de l'album est fait de pièces ennuyeuses ("I will fade", chanté par Maria Q ; "Fold"), carrément indigestes ("Veins") ou plus ou moins déconcertantes ("Taste of blood", qui commence dans une atmosphère digne d'OK computer pour terminer noyé sous d'horripilantes nappes de synthétiseur issues des années 80 ; "Headlights", où l'on tente de mettre dans la bouche de Pollard Berrier non seulement Craig Walker, mais aussi Jay Jay Johanson).
Avec ce Lights inégal et décousu, Archive reste donc dans sa propre lancée, en proposant un album que l'on aura du mal à écouter comme tel, mais duquel on pourra bien retenir quelques titres tout à fait efficaces. Reste ouverte la question de savoir si ces petits élans de génies parfaitement jubilatoires, voire grandioses, sont le signe d'une grande oeuvre à venir, ou si, petit à petit, au fil des chaos de son histoires, Archive se contente de s'écrire une bio-discographie en forme de best-of idéal, qu'il n'y aura plus qu'à compiler le moment venu. |