Spectacle écrit par LM Formentin d'après Ivan Gontcharov, mis en scène par Jacques Connort avec Yvan Varco et Alexandre Chapelon.

Ce n'est pas la première fois que le roman d'Ivan Gontcharov, "Oblomov", est adapté au théâtre. Les plus anciens auront pu voir une version avec Marcel Cuvelier et les plus jeunes une autre avec Guillaume Gallienne dans le rôle titre.

Mais la particularité de celle de Jacques Connort est de s'appuyer sur un texte de LM Formentin qui s'est autorisé à réduire les aventures de Ilya Ilitch Oblomov sur son divan à un face-à-face entre l'impétrant (Alexandre Chapelon) et son valet de toujours Zakhar (Yvan Varco).

Dans le roman, comme à l'écran dans l'étincelant "Quelques jours dans la vie d'Oblomov" de Nikita Mikhalkov, Oblomov toujours affalé sur son divan, reçoit ses amis et relations. S'il est aboulique, s'il procrastine, s'il ne se décide jamais et ne bouge jamais du meuble avec qui il fait corps, cela ne l'empêche pas de recevoir des amis, des parents, des relations. Sa paresse n'est pas un vice, mais se veut une philosophie que les Russes appellent d'ailleurs l'oblomovisme.

Pas question de voir cela dans cette version simplifiée. Pas question d'y voir non plus quelque chose d'équivoque. Zakhar reste avec Oblomov par attachement, par une fidélité qui tient plus d'une relation père-fils que d'une perversion où le domestique prendrait possession du maître. On es bien loin de "The Servant".

Grâce à quelques paravents astucieusement déployés contre les murs qui occupent l'espace derrière le divan bien encombré, on ressent l'intimité amicale qui lie les deux hommes. Certes, Oblomov pourrait passer pour un tyran en donnant sans cesse à son valet des ordres et en finissant toujours par les annuler. Pourtant, peu à peu, on comprend qu'il y a de la douleur dans son laisser-aller d et de la pitié chez son domestique qui le voit ainsi sombrer de plus en plus corps et âme. La puissance des silences et des paroles non prononcées d'Yvan Varco rend tragique le monologue effaré d'Alexandre Chapelon; qui, à l'inverse du roman, ne devient pas totalement risible. Et dans le même temps, la peine qu'il ressent pour ce maître en perdition, Zakhar sait la contenir et la transmettre au public. Pris ainsi de compassion pour ce personnage pathétique, les spectateurs ressentent sa souffrance et se l'approprient sous forme d'une vraie émotion qui atteint son paroxysme quand le noir se fait définitivement sur scène. Rares sont les spectacles qui réussissent à ce point à "bluffer" l'assistance.

C'était donc une très bonne idée de se limiter à un strict face-à-face et le résultat final en découlant ne souffrait donc aucune contestation : l'homme vautré sur son divan depuis plus de 70 minutes s'appelait bien Oblomov...