Mona Mork et Patrick Lundberg ont très gentiment répondu à
notre interview par e-mail et y ont joint ces photos.
Pourquoi avoir choisi le nom de " Ai Phoenix " ?
Mona : Nous aimions le nom “Phoenix”. Pour nous, il recouvrait
plusieurs choses : le mythe du phoenix, l'acteur River Phoenix et l'interminable
désert de sable du far-west de Phoenix Arizona. C'est aussi un mot très
répandu en Norvège. Il est utilisé pour toutes sortes de
choses comme marque d'équipement de montagne, de bennes à ordures
à Bergen et autres utilisations aussi absurdes tout en étant dépourvu
de signification.
Le mot “ai” a été ajouté mais il n'est
pas défini et utilisé nulle part... il n'a pas de sens particulier,
il ajoute seulement un peu de confusion, ce qui est bien. Et puis, il SONNE
bien et si vous le souhaitez, vous pouvez le comprendre comme le“Aye,
aye, (captain) Phoenix, everything is gonna be OK”.
En 1997, le groupe originel était un trio (Patrick Lundberg, Robert
Jonnum et Mona Mork). En 1999, Bosse Litzheim et Espen Mellingen se sont joints
au groupe pour les concerts. En 2002, Ai Phoenix est un quator avec Mona et
Patrick, Bosse et Ib Kleiser., pour continuer en trio avec des invités
pour les concerts. Est-il difficile de créer une groupe soudé?
Patrick :Oui, c'est une difficulté, parce que nous étions
néophytes quand nous avons créé le groupe en 1998. Le départ
de deux membres n'a pas rendu l'entreprise facile. Aussi, nous avons dû
évoluer et la nouvelle formation ( Bosse Kleiser , Mona et moi) nous
a ouvert de nouveaux horizons. Lors de la tournée en Allemagne au printemps
2002, chaque concert était formidable. Kleiser connaissait le groupe
et tous nos morceaux et, pour moi, sa contribution comme bassiste a fait de
Ai Phoenix un très bon groupe.
Bien sûr, nous avons dû modifier les arrangements ce qui
rendait le projet excitant . Nous avons essayé des variations en changeant
les instruments, utilisant un accordéon, deux guitares au lieu de la
guitare, une basse et des batteries sur toutes les chansons.
C'était un challenge et nous en avons tiré beaucoup de
plaisir. Nous le faisons encore avec d'autres formations. Des gens que nous
connaissons et qui eux mêmes jouent dans d'autres groupes à Bergen
: les membres de Sister Sonny (Kleiser, Fredrik, Andreas) et Stockhaus (Kristian).
Ils savent ce dont il s'agit.
Mona et Patrick sont les deux auteurs et les deux membres "permanents"
du groupe. Comment travaillez-vous pour réaliser un album par an d'autant
qu'il semble que les périodes d'enregistrement durent une année?
Patrick : Nos deux premiers albums ont été enregistrés
en six mois. Une des raisons était que l'enregistrement se faisait à
notre domicile. Pour le dernier album, il en est allé autrement. Il a
été enregistré en cinq endroits différents. "Elvis"
et "Very kind", par exemple, sont enregistrés chez moi. "Revolution’s
Grey" a été enregistré chez Robert . Les autres chansons
furent enregistrées chez Espen et dans un studio une nuit. Le reste a
été réalisé chez Mr. Airbuz après le départ
de Robert et d'Espen." Hopscotch" fut enregistré dans sa cuisine
(et ce n'est pas pour le rendre plus intéressant...). Espen y a contribué
après son départ.
Il a donc fallu douze mois pour constituer l'album, faire les enregistrements,
parfois par tranches de un ou deux jours. Ensuite, nous avons encore pris le
temps de combiner les chansons et de complèter l'abum. Nous faisons toujours
ainsi. Pour l'écriture des chansons, il n'y a pas grand chose à
dire. Mona et moi nous écrivons tout le temps, pas tous les jours mais
presque.
Quand nous enregistrons nous essayons d'utiliser les meilleures chansons,
les plus abouties. Nous laissons de côté les autres ou nous les
modifions. Et quelques chansons ont été faites en collaboration
avec Bosse.
Je dois vous annoncer que nous venons juste de finir un nouvel album.
Inutile de dire que nous fondons de grandes espérances sur lui..Il n'a
pas encore de titre..Il a été enregistré en studio à
Høyanger, une petite ville sur la côte ouest d'où Bosse
et moi venons. Nous sommes tous très excités.
Votre troisième album a été très bien accueilli
par la critique qui vous considère comme l'un des meilleurs groupes venant
de Norvège depuis longtemps. Qu'en pensez-vous? Que pensez-vous de la
musique norvègienne?
Mona : La musique occupe une place croissante dans nos vies. C'est
comme une porte qui s'ouvre, que vous ne connaissiez pas avant, et cette porte
n'est pas comme une autre porte. C'est un moyen d'expression et de communication
qui ne ressemble à aucun autre et qui devient nécessaire dès
que vous l'avez trouvé.Cela signifie aussi que nous
apprécions vraiment le feedback et la possibilité de continuer
à faire ce que nous aimons.
Ces cinq dernières années, peut être par hasard,
règnait en Norvège (spécialement à Bergen) une atmosphère
très particulière propice à l'épanouissement de
la musique. Subitement, tous les musiciens qui en voulaient
sont partis en Angleterre et ceux qui sont restés étaient paisibles
et heureux juste en jouant. Et, il y a eu émergence de nouveaux petits
labels et de radios indépendantes et des journalistes idéalistes
et intuitifs qui ont senti qu'il se passait quelque chose de bien et qui ont
favorisé l'émergence de cette musique.
Qu'apporte de nouveau votre dernier album par rapport aux précédents?
Patrick : L' album "Lean that way forever" est le reflet
des péripéties qui ont affecté sa création, qu'il
s'agisse de la pluralité des lieux d'enregistrements ou des différentes
compositions du groupe. En conséquence, chaque morceau a un son propre.
Ce qui est très singulier car d'ordinaire tous les morceaux d'un album
obéissent à une logique et à une cohérence interne.
Comme par exemple, dans l'album "The driver is dead" où la
plupart des chansons sont reposantes et calmes. En fait "Lean that way
froever" ressemble plus à notre premier album "Film" où
nous avions des morceaux parfois rapides, parfois cools, parfois doux, parfois
plus durs. Bien sûr, ce sont de simples constatations. Avec le recul,
l'analyse est toujours plus aisée.
Comme j'écris la plupart des chansons, je dirais que les chansons
de l'album "The driver is dead" exprimaient le côté ténébreux
voire gothique de Ai Phoenix. Dans l'ensemble c'est plutôt optimiste.
C'est comme ça que le ressentent les gens. Ils trouvent que cet album
remonte le moral. Si ils ont un coup de blues ou quoi, l'album a un bon effet
sur eux. J'aime ça. Sur l'album "Lean that way forever", les
chansons sont plus gaies. Quelqu'un disait que cet album est un peu spectral.
Je suis assez d'accord.
Approuvez-vous le qualificatif de musique intemporelle ?
Mona : Nous n'avons jamais été préoccupé
par l'idée de créer quelque chose de NOUVEAU. Tant que nous suivrons
notre propre voie SANS ESSAYER de copier quelqu'un d'autre on aura le sentiment
que c'est nouveau. Personne n'invente rien. Nous faisons de notre mieux et nous
savons quand nous avons atteint notre but (=quand nous aimons ce que nous avons
fait). Nous puisons notre inspiration dans la musique d'hier et d'aujourd'hui
et comme beaucoup, dans le cinéma, la littérature, la peinture,
les histoires des gens, des amis, de nos proches...
Je pense que nous essayons de saisir ce qui est essentiel pour nous.
Ce qui est impotant dans nos vies?. Ce qui est universel, comme le peintre Edward
Munch qui essayait de saisir le lien entre l'universel et le singulier : amour,
haine, jalousie, mort, bonheur, tristesse, peur et facilité... Il s'agit
de sujets qui peuvent effrayer et qui sont évités dans les conversations
quotidiennes.
Avec les groupes scandinaves (Gus Gus, Sigur Ros, Royskopp, Midnight choir),
il semble qu'il y ait une nouvelle vague de musique rock indé très
appréciée. Existe-t-il un son particulier qui viendrait "du
froid"?
Mona : Cette singularité a pour origine l'atmosphère dont
j'ai parlé mais aussi l'histoire et les traditions scandinaves. INous
avons eu beaucoup d'écrivains et de peintres inscrits dans la tradition
du réalisme et de l'expressionisme, à la recherche de la vérité
cachée des choses, la sérénité, la solitude. Je
pense qu'il y a également une attirance pour ce qui pourrait paraître
mélancolique pour d'autres gens mais pour de nombreux scandinaves (et
d'autres dans le monde), le slogan “Tout est si merveilleux! Amusez-vous!"
est plus déprimant et même dangereux car il induit chez beaucoup
des sentiments de tristesse et d'insatisfaction.
Tout est nécessaire, le bon comme le mauvais et vous devez les affronter
quand ils surviennent, le bonheur est profond quand il arrive... Le point commun
pour ces groupes réside dans la symbiose de la tristesse et de la joie.
A l'automne 2001, vous avez enregistré la bande son d'un documentaire
"Balance". Quel est votre intérêt pour ce genre de collaboration?
Pensez-vous que l'écriture musicale pour un documentaire ou tout autre
création artistique (film, danse...) puisse être aussi intéressante
que l'écriture d'un album?
Patrick : Notre participation à ce documentaire est le seul
que nous ayions réalisé. Nous avons été fiers cette
réalisation. Tell Teigen, la personne dans le documentaire est de Høyanger,
tout comme le producteur Jan Frode Andersen. Nous avons perçu ce projet
comme un challenge d'écrire de la musique instrumentale sans mélodie
mais avec un thème.Tous les airs consistent en une répétition
des thèmes.
Pour une des chansons, il fallait un son proche de Calexico. Sur une
autre nous avons joué dans un registre plus folk. Il y a un morceau qui
se réfère à Moulin Rouge qui existe dans l'album. Mais
il s'agit d'une variante minimaliste pour le film avec uniquement la voix, une
guitare et un accordéon. En définitive, cette musique diffère
vraiment de celle de Ai Phoenix. La raison tient à ce que nous avons
assayé d'écrire des morceaux adaptés au film et là
était le challenge.
Si nous en avons l'opportunité et que le projet proposé
nous convient, nous réitérerons sans doute ce genre de prestation.
Vous avez récemment conclu un contrat de distribution pour l'Europe
avec Glitterhouse Record.Pensez-vous et espérez-vous que ce contrat permettra
d'élargir votre audience en Europe?
Patrick : Ca peut paraitre prétentieux, mais nous voulons que
l'on écoute notre musique et j'espère que cela accroîtra
notre audience. Cela dépend des ventes et aussi des tournées.
Nous devrions faire une tournée par an en Europe. D'ores et déjà,
Glitterhouse nous a donné l'opportunité de jouer pour dans de
plus grandes salles. Ainsi, en 2002, nous avons joué au festival d'Orange
Blossom à Beverungen. Ce ne fut pas notre meilleur concert mais c'était
bien. Il est important pour les petits groupes de participer à de tels
festivals.
Glitterhouse s'avère-t-il un bon choix? Ce label produit également
les Walkabouts et 16 Horsepower. Pensez-vous être proches de ces groupes?
Patrick : Oui, Glitterhouse est un bon label. Mais nous ne voyons
pas vraiment de parenté avec 16 Horsepower ou les Walkabouts. Nous sommes
plus proches de groupes comme Velvet Underground. Walkabouts est plus folkrock
que nous et pour 16 Horsepower, je ne sais pas. Les quelques chansons que j'ai
entendues sont très différentes de celles de Ai Phoenix.
Mona : L'essentiel pour nous est que Glitterhouse a écouté
notre musique, nous a contacté et que nous ayons eu un bon contact avec
des gens enthousiates qui aiment la musique.
Très souvent, les journalistes et aussi vos fans trouvent des références
musicales avec d'autres groupes comme "Mazzy Star","This Mortal
Coil", "Labradford," "Cowboy Junkies", ou"Young
Marble Giants " et la voix de Mona s'inscrit dans le même registre
que celles de Lisa Germano ou même Anita Lane. Qu'en pensez-vous? Quelles
sont vos influences musicales?
Mona : La plupart des références sont fondées
sur des similitudes induites par exemple par ma voix.Je n'ai jamais entendu
Mazzy Star avant de lire que nous pouvions leur être comparés.Je
suis d'accord avec la similitude physique/génétique mais, en réalité,
j'essaie de chanter comme Bob Dylan. J'apprécie la version de "Blue
Moon" par Cowboy Junkies.
Nos musiques favorites sont par exemple Bob Dylan, Sonic Youth, REM,
Stina Nordenstam, Leonard Cohen, Sex Pistols, Velvet Underground...
Connaissez-vous le groupe Devics dont le registre est proche du vôtre
Mona : Non, mais maintenant oui.
Quels sont vos sentiments lorsque vous jouez en public?
Mona : Au début, ce fût l'enfer, puis nous avons pu éviter
les tremblements et les heurts, et maintenant, nous sommes tout à fait
sereins et nous prenons vraiment du plaisir quand le son est bon et que l'ambiance
est détendue...
Quand viendrez-vous en concert en France?
Mona : Nous n'avons jamais joué en France mais nous le ferons
certainement. Nous devons faire une grande tournée à l'automne.
Si vous deviez caractériser votre musique en trois mots, quels seraient-ils
?
Mona : C'est une question cauchemardesque... Ce sont les autres qui
devraient répondre... Ce qui nous intéresse dans les critiques
sur notre musique, ce ne sont pas les qualificatifs de mélancolique,
belle et relaxante mais lorsque on voit quelqu'un a découvert les petits
et essentiels détails et significations de ce que nous essayons d'exprimer,
tels que les éléments des contes de fées, l'équilibre
entre la beauté et l'effroi, entre la tristesse et l'OPTIMISME et l'énergie
sous jacente.
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