Textes de Jehan-Rictus mis en scène par Guy-Pierre Couleau avec Agathe Quelquejay.
Jehan-Rictus est un poète hélas trop méconnu qui, au début du siècle dernier, rendait hommage dans les cabarets montmartrois au Paris populaire avec des textes aussi imagés qu'argotiques décrivant la vraie misère.
Sur la scène nue, que seules des bougies entourent avec solennité, Agathe Quelquejay vient dire six textes issus du recueil "Le coeur populaire" dans l'éclairage sobre de Laurent Schneegans et les costumes superbes de Delphine Capossela.
Qu'elle donne voix à des poulbots, une vagabonde ou une mère en deuil, elle épouse avec grâce leurs attitudes corporelles, leurs visages et leurs phrasés.
Sa voix, tantôt claire et juvénile, peut se transformer en cri rauque et désespéré. Elle fait montre de maîtrise, de naïveté ou d'autorité dans ses différents personnages, les rendant tous poignants.
Dirigée avec finesse par Guy-Pierre Couleau qui la fait se déplacer avec beaucoup d'à-propos, la comédienne expire le texte de Rictus comme pour s'en libérer, avec une émotion étranglée.
Agathe Quelquejay délivre avec une sincérité absolue une interprétation hallucinée en suspension sur les mots du poète. Un moment véritablement magique.
On sort abasourdi d'avoir vécu ces destins cabossés, touché du doigt le quotidien des petites gens qui résonne cruellement aujourd'hui, dans un seule-en-scène grandiose et déchirant où une éclatante comédienne étend ses ailes pour s'envoler.