Nonobstant son nom de chanteuse de comédies musicales bollywoodiennes, Serena-Maneesh est une formation norvégienne, emmenée par le guitariste Emil Nikolaisen, qui offre avec son premier album, éponyme, une pièce de rock épaisse et saignante, comme taillée à vif dans l'animal encore tiède.
A entendre le son psyché-pop dont est faite cette heure de musique, merveille de légèreté acidulée-acérée, on se dit d'ailleurs que l'animal en question pourrait fort bien être My Bloody Valentine. Même goût pour des rythmiques rock simples et efficaces, tout en accords claquants, pour les soudaines envolées de wah-wah, pour une production très compressée, les voix légèrement en retrait, douces-hurlantes. Mêmes couleurs pastels d'un désespoir laconique, d'une pop psychotique, romance sous overdose. Même capacité à évoquer des images paradoxales, aussi.
Mais les norvégiens ne se contentent heureusement pas de ce retour à l'(illustre) ancêtre. Enfant d'un rock osé, quelque peu brouillonné, mais encore fait de folk, chanté, construit sur des riffs que n'aurait pas renié Keith Richard, Serena-Maneesh se donne derrière la brume d'une production faussement lo-fi des paysages variés. Du plus écoutable de Bardo Pond aux compositions quelque peu assagies des derniers Sonic Youth, avec tout ce que ces influences emportent avec elles du Velvet Underground, les compositions de Nikolaisen se nourrissent à la source d'un rock fait de bruit et de fureur, sans pourtant jamais se départir de l'envie évidente de rester accessible.
L'accessibilité ne se paie cependant pas de compromis, "Your blood in mine", est là pour le rappeler, dont les 12 minutes viennent donner en fin d'album un avant-goût de fin du monde - en rose, il va de soi, comme une crucifixion américaine. Sexe, confusion, violence et mélancolie.
Avec beaucoup de maturité, Serena-Maneesh parvient ainsi à offrir un album magnifique, homogène malgré sa variété - la maturité n'étant pas ici synonyme d'une sagesse molle, aseptisée, mais d'une véritable intelligence dans la composition, qui sait ne laisser à la folie qu'autant que la décence ne le permet. La part du diable, ni plus ni moins – main dans la main.
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