Le festival de Lassay les Châteaux, en Mayenne, à quelques encablures de l'Orne, en plein ouest rural offre dans le milieu de l'été l'une des programmation les plus pointues et les plus alléchantes de l'été festivalier français.
Ayant trouvé depuis 9 ans la bonne mesure entre tête d'affiches fédératrices et magnétiques et groupes pointus drainant un public spécifique connaisseur et ouvert, le festival des Trois Eléphants ne s'offre pas de barrières musicales entre pop, hip-hop, funk ou rock.
Le public, en grande partie est à cette image. Qui vient, même de loin, pour un festival aussi diversifiée qui s'étend jusqu'au bout de la nuit pour autre chose que s'alcooliser, a nécessairement bon esprit ; c'est ce que visiblement veulent promouvoir les organisateurs.
Et c'est ce qu'ils ont indéniablement réussi.
Question programmation, le festival n'a donc rien a enlever à ses aînés, et la neuvième édition, antichambre d'un dixième anniversaire qui s'annonce croustillant le prouve véritablement. Un plateau très relevé avec de multiples directions, des surprises, des confirmations, et surtout, une bonne humeur communicative et une ambiance potache, avec les brigades roses arrosant les pollueurs.
Le site des 3 éléphants est coloré et très agréable, et cette division entre la grande scène et le chapiteau plus intimiste, ou l'on peut communier plus facilement avec les artistes est bien gérée, tout comme la présence d'une scène découverte.
S'il ne devait rester que deux concerts qui ont chavirés le public et qui restent dans les images positives de ce festival, il s'agirait de la performance classieuse de Maceo Parker sur la grande Scène , impressionnant de classe de maîtrise et de jeunesse, et le combo autrichien Bauchklang.
C'est certainement Bauchklang qui a retourné tous les festivaliers dans un happening vocal total : cinq musiciens vocaux usant de la beat box et des cordes vocales pour présenter un groove imparable, impeccable et implacable qui mousse comme une bière fraîche, c'est un bonheur à voir, sur scène, ne serait-ce que pour la performance et le plaisir des oreilles.
En ce qui concerne Maceo Parker, que dire ? Un show réglé, à l'américaine, rien qui dépasse, mais qu'est-ce qui devrait dépasser… Le simple fait de porter son anche à ses lèvres est déjà en soi groovissime. La magie et la maîtrise d'un groupe impeccable qui électrise toujours autant, générations après générations.
De même d'ailleurs pour la diva soul Sharon Jones, impeccable elle aussi dans un show sous chapiteau intimiste, qui a donné du plaisir au public en montrant qu'à Augusta, il n'y avait pas que James Brown.
La soul sister délivre un groove séminal, sans surprise et daté, mais c'est ça qui est bon.
Avec elle le son de la Motown ne s'est pas envolé dans des contrats véreux, il existe lourd et mastoc, sur une scène et en vie… Plus en vie en tout cas que les concerts décevants, qui ne représentait, fort heureusement, qu'une infime minorité. Parmi elle, Jehro, qui détonait vraiment dans la programmation en offrant un folk mâtiné de blues rebattu, dans un show sans relief.
De même, et c'est sans doute le plus triste, Archive, passé en quelques minutes de présence scénique aux yeux des plus anciens de mythe électronique en marche à un groupe de pop anglaise infatué. Passons.
Il y avait trop de bonne musique ce week-end pour passer du temps sur des – petites - déceptions spécifiques peut être au simple fait que le sympathique tâcheron qui vous livre ces lignes ne supporte pas de près ou de loin la pop anglaise lorsque celle-ci se prend pour la neuvième merveille du monde à côté de laquelle un solo de Coltrane ressemblerait à un crachouillis daubesque pour radio adolescente à vocation prosélyte... Et il se trouve qu'il en est de même pour un songwriting un peu aseptisé et convenu.
Ce qui n'est pas le cas bien sur de l'invité de Dernière minute ROCé, perle française d'un hip-hop ciselé, intelligent et réfléchit qui rappelle de grandes heures - il y en eu quelques une - du rap français avec Fabe et la Scred Connection , tout comme La Caution.
Ces deux entités sont à suivre, elles nous permettent de croire qu'un jour le rap français aura un avenir. Parmi les bonnes surprises, le groupe Hyperclean, acteur d'un rock déjanté et dérisoire avec une assise musicale efficace et des paroles vraiment géniale a soulevé l'enthousiasme des foules.
Ce groupe partage avec Montgomerry autre invité du festival un goût consommé pour le kitsch acidulé et un poil cynique qu'il partagent avec leurs influences, derrière lesquels on voit poindre Oui-Oui ou un Katerine, figure évidemment tutélaire qui a marqué d'une pierre blanche sa livraison du festival, enjouée, festive et joyeusement rock and roll.
Katerine, c'est ce qui se fait de mieux actuellement sur scène en France. A égalité avec Dionysos. Et si les deux se tirent la bourre de festival en festival, ce n'est que pour le bonheur du public…
Seront-ils un jour égalés par Hyperclean ?
Hyperclean est un groupe à voir sur scène, même si l'album est très bon : le chanteur est une pile électrique, le batteur est l'enfant caché de Gonzo, du Muppet Show et de Polnareff et l'ensemble du groupe offre une pop débridée qui fait plaisir, marrer et bouger les pieds, inutile de rayer les mentions disponibles…
Les 3 éléphants, c'est un bon festival et du gros son - avec du poil autour dit la pub, avec une finesse toute mayennaise - alors vivement l'année prochaine pour les 10 ans. Ca s'annonce fort ! |