L’histoire commence à Saint Malo, sous ses rivages emportés par le vent, ses festivaliers en tongues à l’air libre, ses groupies sans soutien-gorge.
C’est l’été. La Route du Rock distille son lot de premières parties interminables qu’on espère les dernières. Groupes sans inspirations qui transpirent. En vain.
Et puis, quatre jeunes hommes investissent la scène du Grand Palais, tapis dans l’ombre. Quatre physiques improbables, musiciens aux gueules pas possible, nom de groupe hors du commun. Un conte de Perrault revisité par un gang of New York sans destination, dans une forêt aux racines pop et folk. Un moment d’éternité seul avec le reste du monde où la larme embrasse les sourires. Grizzly Bear avait ce soir les griffes acérées.
Et le deuxième album Yellow House (faisant suite à House of plenty) à paraître ces jours-ci confirme la magnificence des quatre.
S’il fallait décrire pureté et émotions musicales, Grizzly Bear ferait sûrement partie du gratin, on leur enverrait un faire-part et ils viendraient jouer leur Rock-Ajax qui lave et nettoie tout sur son passage. Sans laisser de trace si ce n’est cette atmosphère musicale et mélodique. Terriblement mélodique. Où les chœurs angéliques de Ed Droste et Daniel Rossen hanteraient l’auditeur encore et toujours.
On leur demanderait de rejouer encore une fois "Knife", ballade laconique habitée par ses démons en réverb’ et ses guitares surf’. Sorte de rencontre entre Brian Wilson et Crosby Stills & Nash. Tectonique des plaques éprises de secousses, regorgeant de détails sonores comme autant d’étagères à influence.
Grizzly Bear varie les plaisirs (trombones, guitares, batteries discrètes, vibraphone) et propose un album touffu et verdoyant. Plus pop que rock en un sens. Symphonique & roll. Et confirme la magie sur "Central and remote" en ballade folk religieuse, plus pure que mille vierges dans un bunker avec l’irruption de ces chœurs passionnant remplissant la salle…
Les new-yorkais connaissent leur Mc Cartney en finger picking par cœur ("Little brother") et abordent leurs compositions comme de vastes étendues de sables dépressives et low-fi. Il est bien dur de cataloguer le style dans un genre.
La dépression jamais très loin du jardin ("Marla" et son orchestration dark), le groupe possède néanmoins son single imparable, mais impassable en radio, avec "On a neck on a spit", sorte de Laika musical envoyé dans l’espace à la recherche d’entités inconnues avec ses arpèges à la Simon & Garfunkel.
Jamais con et toujours très sensuel, Grizzly Bear a trouvé sa formule, faite d’émotion et d’ingrédients naturels. Une bonne recette pour les éventuels chasseurs d’espèces en voie de disparition. |