On attendait sans trop y croire depuis quelques années le retour de la plus soulfull des voix pop, en la personne de Neneh Cherry. Partie depuis Man, un album encore dans les mémoires dix ans après comme étant l’un des plus marquants de ce qu'on voulait étiqueter à l’époque trip-hop sans que jamais on ne sut bien pourquoi, elle s’est manifestée. La claque est manifeste.
Elle n’était pas partie planter des choux à Saint Cucufa, mais élever ses gosses, et c’est d’ailleurs en famille que la diva soul/funk qui n’a jamais renié le punk revient avec Laylow, un album qui nous ferait presque oublier que la quarantaine a sonné et que madame est grand-mère.
Une grand-mère qui nous fait du coup oublier, si jamais nous y avions pensé, les porte voix siliconées du R’n’B, décidément bien à la ramasse, comme on le jugera encore mieux après avoir entendu Neneh égrainer un flow rocailleux. Car Neneh ne revient pas seule : elle est la porteuse du projet de Cameron Mac Vey, producteur talentueux de la scène anglaise et instigateur de la mythique rencontre de Massive Attack avec Horace Andy.
Elle s’est adjointe également le talent de Karmil, co-auteur de la plupart des compo et de Lolita Moon, sa compagne, voix doucereuse qui calme au miel la rudesse de notre suédoise. Deux couples, donc, et une histoire de famille, comme on a pu en juger dans plusieurs festivals qui donnaient déjà hâte d’entendre l’album cet été. Et sans doute le projet pop le plus jouissif depuis les premières notes de Gorillaz.
L’album de Cirkus est une production Mc Vey, classique et sobre, qui nous fait revenir dans les atmosphères filmiques et profondes des bandes sons névrotiques des groupes emblèmes de la décennies précédentes, les Massive Attack, encore eux, les Portishead ou les Sneaker Pimps, en rappelant la modernité et en cherchant - si c’est possible - une relative intemporalité.
C’est le travail de Karmil, petit malin aphone sur cet album, laissant la paternité des voix à Mc Vey alias "Burt Ford", qui ressuscite un Horace Andy à crête, Lolita Moon, une voix blanche et émotive sur le fil d’un rasoir humide, et Neneh, divine, fidèle à son éthique punk, et rappelant à qui veut l’entendre que le Creusot des mariages musicaux, c’est elle, et des 1981, qui en porta le germe.
L’album, très cohérent, s’ouvre sur la voix perchée de Burt Ford, et des rythmiques old-school, un old-school précis et décalé qui revient à la mode, avec un scratch basique et harmonique.
On attend l’emballement, il n’arrive jamais, l’album est simple, cool, dégingandé. Il s’appuie sur les voix et ressemble à cet Eden suédois dans lequel il a été enregistré : à la fois urbain et loin de la ville, comme fuyant le bruit et la fureur. Un disque apaisé, enregistré en été et ayant gagné sa part solaire. On notera les morceaux "Is what it is what it is what it is" pour le travail vocal, mais également "Time for the whistle", pour le morceau de bravoure de Neneh.
Un disque, soyons en sûr, qui ne trônera pas que chez les trentenaires nostalgiques. Mais un disque qui comptera encore dans plusieurs années. |