Ce roman commence par deux pages en prologue. En exergue plutôt.
Deux pages d’une langue si belle, empreintes d’une grâce sublime, qui synthétise la quintessence de l’existence humaine, quand la conscience accède à son essence. Deux pages d’une telle lucidité, d’une telle intelligence et d’une telle évidence qu’elles ne peuvent empêcher les larmes d’emplir les yeux.
A en laisser le lecteur pantois, assommé, médusé, se dire que jamais plus il ne pourra lire une ligne de plus. Que tout a été dit et écrit.
Le livre tombe des mains. Refermé. Et puis, on l’ouvre à nouveau et on relit ces deux pages. L’effet de surprise passé on se dit que le texte va perdre en puissance. Et non. Même texte, mêmes effets. Et il faut presque s’imposer de les occulter pour poursuivre.
Avec sa plume magique, son verbe magnifique, Magda Szabo prend le lecteur par la main et par le cœur pour l’entraîner vers une rue de Budapest, la rue Katalin, de 1934 à 1968, à la recherche du temps perdu, ou du temps retrouvé, celui qui unit les morts encore vivants et les vivants déjà morts, tel un fil n’est jamais rompu.
Les petites maisons de la rue Katalin dans lesquelles vivaient trois familles n’existent plus et pourtant l’ombre de leurs occupants y rôdent à jamais comme des fantômes bienveillants. Trois familles prises dans la tourmente de la guerre et de l’histoire de la Hongrie, quatre personnages pris dans celle des sentiments. Balint, Henriette, Iren et Blanka voyagent dans le temps et leurs voix et leurs pensées se mêlent, se répondent en écho. Le passé surgit dans le présent avec des jeux de miroirs.
Chaque personnage, chaque être humain, reste un mystère même si Magda Szabo, par une fine introspection psychologique et une vraie connaissance, celle du cœur et de l’âme, soulève le voile. Elle ressuscite le temps non pas comme un assemblage de souvenirs mais comme une résonance interne. Et le temps, élément séparateur qui produit l’angoisse existentielle, devient le temps retrouvé.
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