Drame de Henry de Montherlant, mise en scène de Laurence Hétier avec Roland Monod, Analia Perego, Luc Baboulene, Sabrina Bus, Vincent Gauthier, Sophie Pilczer, Sébastien Scherr et Jacques Vincent
En attendant l’accession au pouvoir du futur roi Charles Quint dont la mère, la Reine Jeanne, a renoncé au monde et est appelée Jeanne la folle, un moine franciscain devenu Cardinal d’Espagne assure la régence d’une poigne de fer. Dans un syncrétisme critiqué, il gouverne au nom de Dieu, mission dont il est totalement investi, avec un sens inné de la stratégie hérité de l’Inquisition.
Homme de pouvoir terrestre ayant préféré l’action politique à la contemplation mystique, il est également intimement convaincu de gravir ainsi le chemin de la sainteté, but unique et ultime de l’homme de foi, jusqu’au jour où, au crépuscule de son âge, il doit faire face à l’avènement du roi et rendre visite à la Reine Jeanne.
Jeanne la folle, dont la folie est le pendant laïque de l’ascèse chrétienne, qui ne vit que pour le seul acte quotidien qu’elle a choisi, son seul ancrage à la réalité, le moment de boire sa "petite eau", est époustouflante de réalisme et d'émotion.
La scène magistrale de leur entrevue, confrontation entre le pouvoir et la rebelle, la folie de la foi et la nuit de l’esprit, la raison et la passion, la certitude et le nihilisme, constitue un éblouissant moment de théâtre et de vie. Comment ne pourrait-elle pas semer le doute qui s’empare du Cardinal ?
La mise en scène de Laurence Hétier restitue toute la force et la dimension de la problématique de Montherlant sur le sens de l’acte et elle a réuni une belle distribution qui offre au public un pur moment d’humanité.
Roland Monod, cardinal à la silhouette presque diaphane en chemin vers le royaume des ombres mais à la volonté et à la conviction inébranlables, est tout simplement magnifique et l’incarnation de la Reine Jeanne par Analia Perego exceptionnelle ce qui crée dans la petite salle du Théâtre du Nord-Ouest un troublant maelstrom. |