Il est minuit. Pigalle attend, attend son groupe qui arrive, là, tout doucement, dans la brume qui se dissipe, Gülcher, groupe dandy punk à tendance néo-romantique, condensé de bon goût et de délicatesse, dont le nom est directement inspiré d’un livre de Richard Meltzer.
Entre le fouet de Roxy Music et la lame de velours d’un Echo & the Bunnymen qui n’aurait pas vieilli. Ce groupe est Français, il est 23.00 tapantes, nous sommes à Pigalle, c’est l’heure pour Gülcher de livrer ses secrets de fabrication.
Le hasard faisant bien les choses, je discutais hier avec un programmateur qui a organisé l’un de vos tout premiers concerts, voila deux ans au Glazart. Vous vous rappelez ?
Le groupe : On était bien bourré, on jouait en dernier…Il y avait open bar (Rires)
Ronan Queffeulou (batterie) : Quelques fois certains concerts sont organisés à des horaires imbitables, et la forcément on jouait vers 01.00, donc on a eu du temps à perdre. Un bon moment, mais un peu limite.
Et l’alcool, c’était le trac de la première scène ?
L.R. (Alias, Laurence, au chant): Non pas du tout, simplement l’ennui pendant 5 heures en backstage (Rires)
Je vous parle du concert au Glazart car j’ai été bluffé d’apprendre que vous tourniez déjà il y a deux ans, alors que Gülcher fait beaucoup de bruit depuis seulement 6 mois.. Qu’est ce qui s’est passé entre le Glazart et la sortie d’After Nature en novembre ?
Alexandre Rouger (basse) : Il y a eu un EP en fait (ndlr : "You girls"), il y a un an, chroniqué par les Inrocks, Magik, etc…
Alexander Faem (guitare) : Un EP sorti chez Future Now, ancêtre de Coming Soon, qui nous avait signé pour ce EP et un album, et qui après nous a donné carte blanche pour l’album, sans aucune restriction.
L.R. : On a travaillé les structures assez longuement, avec des titres jetés à la poubelle au final, car on ne voulait pas un assemblage de chansons passées, voila pourquoi nous n’avons pas gardé You girls au final. Nous voulions un album neuf, assez énergique.
Alexander Faem : Des chansons lentes, des ballades, et d’autres plus pêchues…
Et vous avez réussi à échapper aux galères inhérentes au lancement de tous les jeunes groupes ?
Alexander Faem : Je connaissais bien l’un des membres du label, et j’ai put insérer notre démo faite sincèrement au dessus de la pile (Rires). La notre lui a vraiment plu, au-delà de notre amitié, et il a voulu nous signer
Alexandre Rouger : Et puis You girls quand même ! Cela a été notre meilleure carte de visite.
Vous l’avez enregistré ou l’album ?
Alexandre Rouger : A Pont Audemer.
?!
L.R. : Pas très loin de Ponteau-de-mer, dans l’Eure, proche de la Normandie. Le choix de la campagne en fait. Ponteau-de-mer, connu pour sa magnifique boite de nuite, le Coco Bongo (Hilarité générale et clins d’œil entendus). On n’y est jamais allé, en se disant tout au long de l’album "on ira le dernier week-end". Et puis on n’y a jamais mis les pieds…
Le choix de la campagne, c’était l’envie de se mettre au vert, loin de Paris ?
Ronan Queffeulou : Déjà oui. On avait vraiment envie de partir de Paris, et ce sont encore une fois les relations d’Alex, qui connaissait bien un ingénieur du son là-bas, qui nous ont permis d’enregistrer à Ponteau pour un prix modique, avec une qualité de son analogique incomparable.
Alexander Faem : Il y avait un savoir-faire, nous voulions un son chaud, avec un son de batterie très marqué 1975.
C’était important pour vous ce coté rétro ?
(Offuscation générale)
L.R. : Non pas du tout, simplement l’envie de sonner vrai, avec la chaleur de certains enregistrements d’époque en référence. Comme plein de groupes des 70’, Roxy Music, Bowie, Sparks, T-Rex, etc…
Alexandre Rouger : On enregistrait en bas, on dormait en haut, on pouvait tenter des prises à n’importe quelle heure. Du bonheur quoi, comparé à Paris. Et je ne pense pas qu’un album en particulier nous ait influencé, c’est une ambiance générale..
Une ambiance sexuelle ?
L.R. : On nous le dit souvent, c’est marrant. Une adolescente encore mineure nous a laissé un commentaire dans ce sens sur notre myspace (www.myspace.com/gulcher)….Nous on prend cela comme une façon de nous dire qu’on dégage pas mal d’émotions…
Alexander Faem : Mais pas de pédophilie chez Gülcher ! (Rires) Si on fait un rapport avec un groupe actuel, Midlake, on retrouve cette chaleur dans le son, l’impression que eux aussi ont bossé cette dynamique.
L.R. : Et surtout l’envie de sonner nouveau sans être rétro, ne pas se dire « Ah tiens cela a été produit par le producteur de Bloc Party en mai 2005.
Alexander Faem : On essaye d’éviter l’écueil revival post punk. Nous sommes un groupe pop en fait.
Ronan Queffeulou : C’est un peu l’étiquette qu’on nous a collé au départ, style Gülcher, le retour du rock, catégorie post punk.. Je ne suis pas d’accord..
Cela n’est-il pas dû à la difficulté qu’ont les gens à vous mettre dans une catégorie ? On passe du funk à de la pure pop…Vous vous en foutez non ?
Alexandre Rouger : C’est de la pop, point !
L.R. : J’ai ma théorie la dessus mais bon… (Soulèvement général)
Le groupe : Ah non pas tes théories, on en a jusqu’à deux heures du matin la ! (Rires)
L.R : Il y a différentes manières d’être pop par exemple, de mettre en 2006, alors que tout le monde sonne le retour des guitares, un morceau d’ouverture avec seulement des claviers.
Alexander Faem : Nous sommes de mauvais enfants en fait…Nous aimons bien prendre les gens à l’envers…
Cela est-il du à tes origines anglaises L.R. , le sens de la contradiction ?
L.R. (Un brin agacé) : Non, peut-être simplement moi, avant mes origines…Nous étions en train d’enregistrer cet album, alors que tout le monde clamait le retour du rock, avec toutes ces personnes qui venait à nos concerts en nous disant "Ah tiens moi j’aime beaucoup le Rock n Roll".. Tu vois moi j’aime bien les potirons, mais bon… (re-hilarité générale) Il y avait cette ambiance là, à comparer tout et n’importe quoi. On nous disait "Tout le monde parle du rock, les médias ne parleront pas de vous, blah blah.. ". Et nous sortons un album avec "Rocket Pants" en première piste.
Alexander Faem : Et c’est aussi le fait que nous n’arrivions pas à le caser ce titre !
Même si l’on prend un titre comme "Valient Vale", qui sonne très Jack the ripper, on se rend compte que le piano est omniprésent sur l’album…C’est venu d’où ?
Alexander Faem : J’avais déjà joué dans un autre groupe avant, en assurant les claviers. C’était aussi une manière d’éclaircir les chansons, l’envie de mettre des cordes, donner des couleurs différentes. Et déjà nous pouvons dire que le prochain album contiendra beaucoup de piano…..
Ce serait quoi l’esprit de contradiction ultime, de la surf music sur piano ?!
Ronan Queffeulou : Déjà il n’y aura pas de basse (Rires)
L.R. : On ne fera jamais quelque chose de manière sournoise, en voulant sonner "comme". La conception de l’Art c’est s’élever non ?
Comment vous situez vous face à cette scène parisienne, car le mouvement est parisien avant tout non ?
Alexander Faem : Nous n’avons pas de point de référence en France, on lorgne plutôt vers l’Angleterre ou les Etats-Unis.
Alexandre Rouger : C’est encore les yé-yé en France ! (Rires)
Ronan Queffeulou : Quand même… Laurence pourrait donner des cours de chant à la Star Ac’ (Rires)
L.R. : Tu regardes au jour le jour comment avancent les groupes en France, tu en as qui vont se mettre à chanter en Français pour tenter le succès, d’autres qui restent intègre.. On n’est pas comme Kamini…Ce n’est qu’un gag cette histoire.
Alexandre Rouger : Je préfère encore passer à la Star Ac’, plutôt que de faire du sous Noir Désir…
Alexander Faem : Et si un jour on voit Gülcher à la Star Ac, c’est que le système médiatique français aura vraiment changé !
Le français dans le texte cela ne vous a jamais tenté ?
Ronan Queffeulou : Laurence écrit ses textes en anglais, c’est inné, cela lui va très bien. Et c’est un exercice difficile.
LR : Il y a un coté mystique dans l’anglais, tout n’est donné sur un plateau. Peu d’artistes ont survécu à cela… Gainsbourg, Polnareff, Christophe, que j’adore.
Alexander Faem : Perso c’est William Sheller, qui les enfonce tous selon moi, je suis grave fan.
Il y a cette remarque que j’aime beaucoup, qui dit que Gülcher c’est le meilleur album chanté en yaourt. Ca vous convient comme remarque ?
L.R : C’est un ami en fait, qui a dit cela lors d’un de nos concerts aux 9 billards, un concert chaotique, assez approximatif. Je ne veux pas aller vers le Yaourt, je raconte encore des histoires. Tu écoutes Dylan en 68-69 tu ne comprends rien aux paroles. J’aime bien pour ma part l’idée d’un déroulé dans l’histoire, de nuances et de sous-couches.
Alexandre Rouger : Le nouveau Dylan tiens ! (Rires)
L.R : Je trouve cela trop facile de raconter une histoire de A à Z, cela doit être comme si un romancier avait écrit son manuscrit et que les pages s’étaient envolées…
De nombreuses chroniques parle du dandysme en évoquant Gülcher, cela vous parle, vous vous reconnaissez là-dedans ? La filiation avec Ponihoax par exemple ?
L.R : Jamais entendu l’intégralité de Ponihoax, j’ai entendu la moitié de Budapest, qui m’avait l’air bien, sinon, pas l’album dans son entier.
Ronan Queffeulou : Voila un groupe qui ne rentre dans aucune case, qui chante en anglais, qui semble beaucoup boire, j’aime bien leur démarche.
Cela vous surprend cette presse dithyrambique sur ce premier album, mis à part dans Rock & Folk ?
Le groupe : Oui, énormément.
L.R. : Tu vois l’album de Ponihoax a mis 6 mois à y être chroniqué par exemple, cela va venir, nous serons dans R&F !
Alexandre Rouger : Sérieusement, nous sommes très contents de cette presse.
Au moment ou vous enregistrez l’album, vous ne vous dîtes pas "Y a un truc là", non franchement, l’album est vraiment très bon quand même…
Le groupe (un peu timide et modeste)… Oui bon c’est sûr.
Alexander Faem : On s’est vraiment emballé pendant l’album oui..
L.R. : Après tu ne peux jamais connaître la réaction du public…
Alexandre Rouger : On est les premiers fans de notre musique, c’est évident. En fait nous achetons nos albums pour faire monter les ventes ! (Rires) J’ai même retrouvé l’un de nos albums en vente d’occasion !
L.R. : Après, ce sont à ces salopards de journalistes qui revendent nos CD tiens ! (Rires)
Alexander Faem : On a mis tout ce qu’on avait dans ce premier album, la suite reste encore à écrire, et je crois que nous avons encore sous le moteur !
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