Avec son premier album éponyme, Bertrand Belin, compositeur-arrangeur reconnu et guitariste nomade, s’était laissé aller à l’écriture, à la fois précieuse et surréaliste, pour des chansons poétiques sur des musiques néo-impressionnistes.
Avec "La perdue", le verbe est toujours soumis aux caprices et aux fantaisies d’une plume bouillonnante qui se joue des allitérations, tâte du vieux français et s’amuse à déjouer le sens en jouant de manière surréaliste avec les maux.
Les musiques ont acquis toute leur majesté et les arrangements devenus luxuriants s’apparentent à des compositions classiques qui se déclinent en mille orchestrations exubérantes avec une introduction souvent minimaliste suivie de développements en cascades et de nappes symphoniques sur lesquels se pose le chant poétique et nonchalant avant de s’interrompre pour laisser la rêverie ou le sentiment se nicher au coin de l’oreille.
Dès le morceau d’ouverture, le très beau "Le trou dans la poitrine" à la scansion à la Gainsbourg des derniers temps, le doute n’est plus permis et l’addiction immédiate.
Un banjo guilleret introduit le nostalgique "Rien à la ville" et tient tête à la cohorte des instruments qui viennent le rejoindre pour comme avec le titre éponyme "La perdue" avec sa voix en trémolos à la limite de la rupture.
L’émouvante "La tranchée", très belle ode intimiste à l’ami disparu précède le tubesque chant d’amour de "Tes délices" à la mélodie qu’on croît connaître depuis toujours, jamais entendue et pourtant si familière à nos cœurs.
Amateur de délices subtils, Bertrand Belin nous entraîne au voyage au centre de la veuve qui a de la place dans son cou ("Des os de seiche") et dans le cœur de la belle où règne un climat de forêt que menace la nuit ("Les oiseaux").
Accompagnés par des musiciens talentueux, fidèles de la première heure, comme Pierre Lebourgeois au violoncelle et Marwenn Kamamrti au violon entre autres, il réussit un sans faute imparable et un album de pépites qui signe un univers personnel et singulier qui se situe quelque part entre ceux de Murat et Manset. |