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Interview  (Paris)  9 mars 2007

Juliette Croizat, ce petit bout de comédienne au regard extraordinairement lumineux a réussi une sacrée performance. Donner vie à son rêve mais aussi incarner Gelsomina, le personnage mythique interprété par Giuletta Masina dans le film de Fellini "La strada" auquel Pierrette Dupoyet, amie du couple, avait donné la parole.

Au Théâtre du Ranelagh, elle présente, seule sur scène, "Gelsomina" un spectacle totalement magique résultant de la symbiose parfaite entre un texte poétique et une comédienne habitée sachant translmettre de manière charismatique l'émotion et la beauté.

Nous avons rencontré avec bonheur Juliette Croizat qui nou sparle donc de son rêve.

Vous êtes à l'origine de ce spectacle. Quelle en est la genèse ?

Juliette Croizat : J’ai découvert le texte de Pierrette Dupoyet par François Lecler de la librairie théâtrale à l'Odéon. Nous nous sommes connus à l'Ecole de la rue Blanche et il m'a conseillé la lecture de ce texte en me disant qu'il s'agissait d'un texte pour moi. J'ai lu ce texte et je m’y suis reconnue. Il y avait vraiment une empathie totale avec ce personnage, avec ses mots, cet univers, l’humanité qui s’en dégageait. Je suis tombée en amour de cette écriture et de ce personnage magnifique.

Il fait préciser qu’à l'époque, bien que connaissant l’existence du film, je n’avais vu "La strada" de Fellini. Donc je n'étais pas empreinte de ce personnage. Et je l'ai lu plus d'une centaine de fois dans les années qui ont suivies. A tous les moments de ma vie, souvent quand j'avais des petits coups de mou également dans les grands moments d'euphorie. Mais en tous cas dans des situations un peu extrêmes je me replongeais dans ce texte qui constituait un peu un livre de chevet. Il m'a poursuivi et hanté très fortement. Comme une amie, une compagne fidèle, quelque chose de précieux.

Dix ans après l'envie d'incarner ce texte est devenue de plus en plus forte. J'avais envie de le jouer mais aussi de rencontrer la personne en face qui pourrait le mettre en scène. J'avais envie de cette rencontre magique sur ce texte et j'ai donc attendu assez longtemps. Car il fallait trouver la personne qui puisse m'emmener là où j'avais envie d'aller.

Quand ma route a croisé celle de Christophe Gauzeran je lui ai fait lire le texte, et là, il a eu immédiatement le même regard que celui que j'avais porté et tout s'est donc fait très naturellement. Il a pleuré comme une madeleine à sa lecture et je me suis dit que nous étions beaux car je pleurais aussi ! Il fallait donc le lire beaucoup, pour pleurer beaucoup et quand les larmes seront sèches nous pourrions travailler ! Ainsi est né ce projet.

Et j'avais vraiment envie de mener "Gelsomina" dans un endroit où il pouvait être vu et révélé au public. Je ne voulais pas d'un petit endroit avec quelques dates. Pour cela nous avons créée notre compagnie, la compagnie Farenheit 451, pour se battre pour la réalisation de ce projet que l'on a porté à bout de bras pendant deux ans et demie. C'était un long combat mais il nous a mené ici au Théâtre du Ranelagh.

Avez-vous visionné le film ensuite ?

Juliette Croizat : Oui, je l'ai vu quand j'ai commencé à travailler le texte. Je l'ai vu une fois et je ne me suis pas autorisé le droit de le revoir. Maintenant il est comme un lointain souvenir ; par contre dans ma loge il y a des photos de Giuletta Masina. Je n'ai jamais voulu l’imiter. J'ai repris certaines expressions car on ne peut pas nier son existence quandd on reprend un personnage mythique.

Vous parlez de mythe. Cela ne vous a pas fait peur justement de vous attaquer à un personnage mythique interprété par une actrice elle aussi mythique dans un film culte ?

Juliette Croizat : Non. Sans doute par inconscience. En fait je ne me suis jamais positionnée dans la rivalité avec elle. L'image de Giuletta Masina était dans mon cœur, elle y avait un rôle de bienveillance et de protection et Pierrette Dupoyet, qui était proche du couple Fellini-Masina, m'a donné sa bénédiction sur ce projet. Et puis je me suis dit que ce serait chouette que le public ait un aller retour entre le film et la pièce et tous les retours vont dans le même sens qui est qu'il n'y a pas de concurrence entre les deux sans être dans la comparaison. Si nous avons réussi ça …

Vous parlé de l'auteur du texte Pierrette Dupoyet. Avez-vous eu facilement son accord ?

Juliette Croizat : Nous avions commencé avant même d'avoir les droits. Nous l'avons contactée et obtenu son accord sans qu'elle ne voie le travail. Mais elle était présente lors de la première qui a eu lieu à la Foire Saint Germain il y a 2 ans et a été ravie. Depuis nous soutient dans ce projet.

A la fin du spectacle vous faites du trapèze vous intégrez des numéros de cirque dans le spectacle.

Juliette Croizat : J'avais toujours rêvé ce spectacle avec du cirque inclus dans l'univers des saltimbanques. Gelsomina rêvait du cirque. L'objet n'est pas de réaliser des performances car je ne suis pas circassienne, je n'étais jamais monté sur un trapèze ! Je partais de zéro ! Et je suis allée au cirque des Noctambules sous le chapiteau de Michel Novak, qui est un chapiteau école, et en 3 mois j'ai appris laborieusement le trapèze et la corde. Ce qui veut dire que pour la première du spectacle je n'avais que 3 mois d'expérience ce qui est rien pour du cirque !

Vous aviez néanmoins des prédispositions physiques ?

Juliette Croizat : J'avais un petit peu de bras et un petit peu d'abdos mais je n'avais pas la morphologie d’une grande sportive. J'avais fait de la danse classique pour une autre pièce mais il faut beaucoup de tonicité de bras, il faut se faire de la cale aux mains, et tout ça fait très mal. Maintenant je vais très régulièrement au cirque parce que je ne peux pas perdre le bénéfice acquis. J'ai donc intégré le milieu du cirque.

Vous êtes seule en scène. Avez-vous songé, dans le cadre de ce souhait d'imprimer l'univers du cirque, à être par exemple entourée de partenaires qui intervenus pour faire des numéros ?

Juliette Croizat : Il n'y a que la voix de la mère que je ne fais pas parce que pense que Gelsomina ne pouvait pas imiter la mère. La mère c'est précieux. C'est donc Michèle Parent qui fait la voix de la mère de Gelsomina. Pour les autres personnages Christophe avait une idée farfelue pendant très longtemps il m'a parlé d'élever une colombe qui représenterait le fou. Je ne me voyais pas élever une colombe et l'apprivoiser donc rapidement j'ai écarté l'idée même si elle était très poétique et belle. Nous l'avons donc enterrée avant qu'elle n'ait vécue.

Pour la présence de partenaires, je trouvais que cela aurait fait perdre de la force au spectacle. Ce n'était pas une question d'être seule sur l’affiche mais je trouvais justement formidable que tout le monde qui entourait Gelsomina sorte de sa tête. Dans le film elle est complètement autiste on ne lui donne jamais la parole et Pierrette Dupoyet lui donne la parole donc tout surgit de ça, de cette petite tête d’artichaut. Le défi était difficile à relever car au début je détestais le clown qui me faisait peur.

J'avais beaucoup de mal à faire Zampano et je suis restée des heures bloquée sur ce personnage. Nous sommes passés par des exercices pour essayer de me désinhiber, Christophe allant jusqu'à faire le gorille devant moi. Christophe a intégré l'univers du cirque parce qu'il me fallait un tourneur de cordes. La corde à staff comporte une sorte de bracelet qui entoure la cheville pour faire des figures et elle doit être actionnée par un tourneur de corde. Or, être tourneur de cordes c'est très particulier car il faut très à l'écoute de celle qui est sur la corde.

J'ai donc travaillé avec une personne mais cela n’allait pas car à 2 semaines du début du spectacle j'avais un oedème de la cheville car le garçon en bas avait trop tiré sur la corde. J'ai demandé à Christophe d'essayer car j'ai une totale confiance en lui et il a un si beau regard sur moi. Et Christophe, qui n'était pas du tout dans l'univers du cirque, a essayé et il a fait cela très bien.

Trouver le Théâtre qui correspondait à votre exigence pour ce spectacle a-t-il été facile ?

Juliette Croizat : Cela a été un long chemin de croix. Après la Foire Saint Germain nous avons joué sous le chapiteau de Michel Novak en plein hiver dans des conditions de chapiteau très dures avec pas forcément beaucoup de spectateurs et pour le coup c’était la strada ! Cela étant nous avons néanmoins réussi à faire venir des directeurs de salles de banlieue et nous avons joué notamment à Sèvres, Meudon, et ils nous ont soutenus et accompagnés avec bienveillance parce qu’ils avaient craqué sur le spectacle. Car bien que Christophe et moi étions depuis 15 ans dans le métier c'était comme si nous repartions de zéro. Nous avons finalement eu beaucoup de chance car nous avons pas mal tourné avec ce premier spectacle. Et des gens ont parlé de nous au Théâtre du Ranelagh.

Votre compagnie a été créée pour ce projet. Va-t-elle perdurer ?

Juliette Croizat : Oui puisque l'année dernière nous avons monté un "Don Quichotte" que nous avons présenté, là encore, car cela nous porte chance, à la Foire Saint Germain. C'est un spectacle théâtre-cirque où je ne fais quasiment que du cirque. J'y fais de la corde lisse, de la corde à staff et du trapèze en binôme. C'est un très beau spectacle avec 25 personnages, une espèce de farce énorme avec beaucoup de cirque aérien.

Ce spectacle sera à l'affiche prochainement ?

Juliette Croizat : Nous sommes en cours de préparation d'une tournée et en pourparlers avec des théâtres. Mais il faut trouver un financement car il s'agit d'un spectacle beaucoup plus lourd.

Y a-t-il déjà en préparation un autre spectacle ?

Juliette Croizat : Nous sommes axés sur le projet "Don Quichotte" mais il y a bien sûr des envies qui se présentent. Pour le moment il y a deux choses soit une vraie comédie avec des portes qui claquent, un spectacle joyeux et tonique. Mais notre compagnie est fondée sur théâtre cirque et il y a une autre pièce pour laquelle je tanne Christophe mais qui serait plus dramatique avec là encore un personnage assez mythique. Le choix n'est pas encore intervenu.

Maintenant que "Gelsomina" existe, que votre rêve s'est concrétisé, quel est votre rapport avec le texte qui a été votre livre de chevet ?

Juliette Croizat : Ce n'est plus un livre de chevet. Je n'ai plus besoin de le lire car je fais des italiennes tous les soirs de représentation donc je le joue deux fois ce soir-là. J'ai ce texte dans la tête mais je n'ai plus besoin de poser les yeux dessus parce que j'en suis imprégnée. Cela étant, de temps en temps j'y reviens pour voir les choses qui ont fait l'objet de coupures, revenir sur les didascalies ou sur ce qu'a écrit Pierrette qui est toujours un plaisir.

Très sincèrement, je ne pouvais pas la rêver mieux que ce qui se passe. Jouer ce personnage est tellement fort ! Elle me colle à la peau et j'aurai beaucoup de mal à m'en défaire. Je serai très triste s'il n'y a pas davantage de retombées au Ranelagh ou ailleurs. Surtout avec les retours du public que nous avons. Ce serait dommage qu'un texte aussi universel et populaire ne soit pas vu davantage.

Nous sommes dans une période où le théâtre est de plus en plus élitiste, où les gens s'ennuient pas mal au théâtre, je me permets de le dire parce que je suis spectatrice et que je vais voir beaucoup de spectacles, et ce n'est pas souvent que l’on voit un spectacle dans lequel on se reconnaît, où on est ému, et là je ne parle pas d'interprétation mais de mots.

"Gelsomina" parle du concret, de la vie elle ramène à des valeurs universelles. Elle parle des petites gens, des gens sans importance, qui ont un peu des vies pour rien. Cela semble un peu démagogique mais le théâtre est là aussi pour que des gens qui ne sont pas des initiés ne sortent pas d'un spectacle en pensant être complètement stupides parce qu’ils n’ont rien compris, parce qu’on ne leur a pas donné les cartes qu’il fallait.

Quand on fait un spectacle populaire, on est un peu montré du doigt parce qu'on n'est pas tendance. Ce fut d'ailleurs le cas avec "Gelsomina" parce qu'il ne s'agit pas d'un texte branché ! Nous ne sommes pas tendance mais nous revendiquons haut et fort qu'il s'agit d'un spectacle pour un public de 7 à 77 ans. Et je le vois dans la salle. Et en 15 ans de métier je n'ai jamais eu un tel retour du public et cela est une émotion énorme pour un comédien. Quand on reçoit cela on se dit…qu'après on peut mourir ! C'est vraiment incroyable ! Cela a dégagé des vagues d'amour. C'est aussi la raison pour laquelle nous nous battons pour que le spectacle continue.

Vous avez évoqué votre expérience de spectatrice. Avez-vous vu des spectacles qui vous ont séduits ?

Juliette Croizat : J'aime énormément le travail d'Eric Lacascade qui a monté "Les barbares" au Théâtre de la Colline qui a été décrié à Avignon. Pour moi c'est un beau travail et en tout cas un très grand metteur en scène qui sait diriger ses comédiens. L'énergie sur le plateau est très très forte. Quand je vois un de ses spectacles je me dis vraiment que j'aimerai faire partie de cette compagnie ! (ndlr : à bon entendeur salut !).

Et puis un clin d'œil à un de mes amis de la rue Blanche Julien Cottereau qui joue au Théatre des Mathurins dans "Imagine toi". C'est un ancien clown du Cirque du Soleil qui était dans "Saltimbanco" et qui fait un solo. C'est un magnifique comédien et clown et il fait le plein tous les soirs. De toute façon celui qui va seul sur un plateau maintenant je le respecte car il faut y aller ! J'avais moins ce regard avant mais maintenant je sais combien c'est dur d'être seul en scène. Monter sur scène est de toute façon un acte de courage.

Quand on est spectateur il ne faut pas condamner immédiatement un spectacle car c'est difficile d'accoucher d'un spectacle et parfois il n’est pas tout à fait celui dont on avait rêvé. Ce n’est pas évident de jouer tous les car il faut y aller quel que soit ce qui s'est passé dans la journée. Nous avons toujours une séance de rattrapage mais chaque soir avec un public que l'on ne connaît pas. Le deuxième partenaire est le public et quand il est réceptif c'est merveilleux. A l'inverse s'il ne réagit pas la représentation peut tourner au cauchemar. Le public ne sait pas à quel point il est indispensable !

 

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La chronique du spectacle "Gelsomina"

Crédits photos : Laurent (Plus de photos sur Taste of Indie)


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# 17 mars 2024 : le programme de la semaine

De la musique, des spectacles, des livres. Aucune raison de s'ennuyer cette semaine encore. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

Du côté de la musique:

"Almost dead" de Chester Remington
"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
"Dragging bodies to the fall" de Junon
"Atmosphérique" de Les Diggers
quelques clips avec Nicolas Jules, Ravage Club, Nouriture, Les Tambours du Bronx, Heeka
"Motan" de Tangomotan
"Sekoya" de Tara
"Rita Graham partie 3, Notoriété", 24eme épisode de notre podcast Le Morceau Caché
et toujours :
"Scars" de Greyborn
"Rooting for love" de Laetitia Sadier
"Quel est ton monde ?" de Olivier Triboulois
"Letter to self" de Sprints
"TRNT best of 1993 2023)" de Tagada Jones
"Beyond the ridge" de Wildation
Quelques clips chez YGGL, Down to the Wire, Malween, Lame, For the Hackers et Madame Robert

Au théâtre

les nouveautés :

"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche

"Lichen" au Théâtre de Belleville
"Cavalières" au Théâtre de la Colline
"Painkiller" au Théâtre de la Colline
"Les bonnes" au théâtre 14
et toujours :
"A qui elle s'abandonne" au Théâtre La Flêche
"Les quatres soeurs March" au Théâtre du Ranelagh
"Mémoire(s)" au Théâtre Le Funambule Montmartre
"N'importe où hors du monde" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Quand je serai un homme" au Théâtre Essaïon

Du cinéma avec :

"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle

"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
et toujours :
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

et toujours :
"L'été d'avant" de Lisa Gardner
"Mirror bay" de Catriona Ward
"Le masque de Dimitrios" de Eric Ambler
"La vie précieuse" de Yrsa Daley-Ward
"Le bureau des prémonitions" de Sam Knight
"Histoire politique de l'antisémitsme en France" Sous la direction d'Alexandre Bande, Pierre-Jerome Biscarat et Rudy Reichstadt
"Disparue à cette adresse" de Linwood Barclay
"Metropolis" de Ben Wilson

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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