Sur leur précédent album, The Great Destroyer, nombreux furent ceux qui se demandèrent si les mormons musiciens de Duluth allaient bien, car après tant d années de musique plombée, Alan Spahawk et Mimi Parker s’étaient offert une petite virée pop.
Oh bien sûr, on n’était pas chez les Beach Boys, mais les morceaux étaient assez enjoués pour se permettre d’y apposer ce terme.
Pour Drums And Guns, le huitième album du groupe, Alan Sparhawk a pour le coup vraiment été malade, rongé par une sévère dépression. À l’époque, il avait expliqué dans une longue lettre publiée sur le webzine américain Pitchfork qu’étant donné son état mental, il préférait se "reposer". Vous imaginez bien que ce disque porte les stigmates de cette dépression.
Sparhawk s’est amusé (si je puis me permettre) à saloper les jolis châteaux de sable patiemment concoctés sur The Great Destroyer… Par la même occasion, il est lui-même est devenu ce Great Destroyer… Vous connaissiez Low dans sa forme "classique", le moral déjà pas mal dans les chaussettes. Je vous laisse deviner ce que cela peut donner avec le moral dans les semelles (de plomb).
"Pretty People" donne le ton : les guitares ont la nausée, bourdonnent, et Sparhawk scande tel un prédicateur apocalyptique. "Belarus" confirme les rumeurs qui couraient sur ce nouvel album : sur la plus grande majorité des morceaux, Low délaisse son folk ascétique pour incorporer des samples et des boîtes à rythmes. Là encore, rien à voir avec leur camarade d’écurie de The Postal Service ; noir, c’est définitivement noir. "Belarus" sonne comme du RadioHead sur Kid A, une boîte de Prozac dans une main, une de Lexomil dans l’autre.
"Dragonfly" ferait une bande-son idéale pour accompagner une promenade près du réacteur de Tchernobyl : boîtes à rythmes cadavériques et bancales, guitares blêmes voire exsangues, seule la voix de Mimi Parker ramène un peu d’humanité dans ce monochrome violet foncé…
Tout est tordu dans ce disque. On se demande même comment Dave Fridmann, plutôt réputé pour ciseler de l’orfèvrerie pop orchestrale, a pu être mêlé à ce dépeçage en règle. Malgré l’inertie qui sourde tout au long de ce disque, la violence est partout, principalement dans les textes d’une inquiétante noirceur. Au milieu cette morne plaine, "Hatchet" fait limite office de ritournelle.
Il ne faut pas souhaiter de mal aux gens, mais on en viendrait presque à attendre avec impatience la prochaine dépression d’Alan Sparhawk, histoire de renouveler ce véritable tour de force. |