Ils sont irlandais, ils sont 4, David Hedderman, Conor O’Brien, Peter Toomey et Barra Heavey et on ne vous dira pas qui fait quoi, parce qu’ils jouent tous de tout.
Vous l’aurez compris, le quatuor s’amusent à s’échanger instruments et micro à chaque titre, créant ainsi leur spécificité.
Une spécificité musicale qui n’est d’ailleurs par pour rien dans la fabuleuse originalité de leurs compositions. Rencontre avec le groupe qui ne parle d’une seule voix.
La 1ère chose qui apparaît dans votre façon de jouer, c’est le fait que vous échangiez instruments et micro à chaque morceau… est-ce quelque chose d’instinctif ?
Oui effectivement c’est instinctif, on a toujours fait ça, ce n’est pas quelque chose que l’on a calculé, on ne le contrôle pas. On n’a d’ailleurs jamais pensé que c’était si "remarquable", au sens propre.
Sur l’album c’est comme ça, sur scène aussi. Oui c’est un peu "orgiaque" !
L’album justement. Vos compositions sont vraiment originales, elles sortent des sentiers battus, c’est probablement la raison pour laquelle il faut un peu de temps pour s’approprier votre musique. Est-ce que vous restez les choses de cette manière ?
Notre musique est conçue globalement pour capter l’attention mais effectivement ça peut prendre un peu plus longtemps pour vraiment rentrer dedans.
Mais ce genre d’album, en général, sont ceux qui marquent plus profondément.
Pour certains groupes, dans leur album tu as 2 ou 3 singles et puis le reste est en dessous. On ne fonctionne pas comme ça, on ne réfléchit pas comme ça. Pour nous, chaque morceau a son importance.
Vous avez des influences assez surprenantes pour des jeunes gens de votre génération (ndlr : 24 ans en moyenne). Vous êtes plutôt inspirés par des groupes cultes américains et anglais des années 60 (The Kinks, The Velvet Underground, The Shangri-Las…), par des artistes chantant en français aussi (Gainsbourg, Brel). Avez-vous l’impression de ne pas êtes pas nés à la bonne époque ? Si vous aviez pu choisir votre année de naissance, ou votre décennie, auriez-vous choisi celle des années 60 ?
Si on était nés dans les année 60, euh… on serait morts à l’heure actuelle ! (rires)
Non, aucun d’entre nous n’aurait voulu naître à un autre moment.
En fait, en ce qui concerne les influences, on s’inspire plutôt de ce qui a fait que ces groupes ont été ce qu’ils ont été, plutôt que de leur musique directement.
S‘inspirer seulement de la musique est une manière assez superficielle de voir les choses. Pour nous, il est très important de toujours évoluer, de toujours progresser, et c’est ce que l’on fait.
D’ailleurs en ce qui concerne notre musique, on a pu lire des choses diamétralement opposées. ça peut évoquer des choses tellement différentes à chacun. On a pu lire, à propos d’un même morceau, que pour l’un ça évoquait "Jane’s Addiction" et pour l’autre, un groupe qui n’avait absolument rien à voir, et pourtant les mecs parlent du même morceau !
Est-ce que votre nom à un rapport avec ce célèbre label anglais des années 60 appelé "Immediate" ?
Non, non pas du tout.
Mais ce label est très bien !
Quels sont vos disques préférés, quelque soit l’époque d’ailleurs ?
Il y a tellement de styles de musique qu’on aime.
Il y a beaucoup de producteurs, d’arrangeurs des années 70 qu’on admire. Dans les références récentes, DJ Shadow, il est super créatif.
L’album de Gainsbourg "Melody Nelson"… Ah Charlotte ! (soupir d’admiration). "Lemon Incest" (rires).
En France, vous avez une culture musicale. Certains de vos artistes sont devenus ou peuvent devenir d’immenses stars en France comme à l’étranger. Chez nous, en Irlande, ça ne se passe pas comme ça, à part la musique folklorique ! Les groupes irlandais qui veulent réussir ne restent pas dans le pays. Du coup, en ce qui nous concerne, les médias s’intéressent aussi à nous à cause de notre nationalité, c’est bizarre. Pourtant la musique est une langage universel ! (rires) Non mais c’est vrai !
Pour vous la musique est une histoire humaine avant tout. Ça commence avec l’homme de ménage de votre école qui vous a fait écouter vos premiers albums, en passant par le disquaire du coin de la rue…
Oui, comment savez-vous tout ça ?!
Le gars du magasin de disques avait une superbe collection à l’arrière du magasin. Que des bons trucs !
Mais c’est vrai, y’a des rencontres, des gens qui font la différence. L’important, c’est de partager sa passion avec d’autres : de toute façon naturellement tu veux la partager.
Le côté humain se perd un peu dans le monde virtuel d’Internet. Vous vous êtes exprimés sur ce sujet, vous avez l’air plutôt méfiant par rapport à ce moyen de communication.
(rires) Non ce n’est pas ça. C’est une journaliste qui a été un peu flemmarde dans son travail de retranscription ! On a parlé avec elle pendant 3 heures et au final elle a résumé quelques phrases… Ils ont essayé de nous faire dire des "manifestes".
C’est le moment où jamais de rectifier !
On est foncièrement contre cette idée de « manifestes », tout ce qui peut te mettre dans une boîte nous semble être une très mauvaise chose. On déteste ça.
On veut garder notre liberté, c’est comme ça pour notre album. On veut continuer d’évoluer.
Pour revenir sur le sujet d’Internet, ce n’est pas le fait d’être contre mais comme on le disait tout à l’heure, nous on allait chez un disquaire, on a rencontré la musique en même temps qu’on a rencontré des gens.
Mais bon c’est inexorable, ces petits disquaires sont en train de fermer au profit de grandes structures. Donc les gamins aujourd’hui n’ont plus ce genre de contacts humains.
A l’époque, on enregistrait des cassettes audio. On faisait des compils en enregistrant les trucs qui passaient à la radio.
Mais déjà à l’époque des campagnes existaient pour dire que ça tuait la musique alors qu’au contraire c’était une bonne façon de le propager. Le cercle vicieux avec Internet, c’est cet accès direct à la musique.
Les gens n’ont pas le temps de développer leur sens critique ou de se rendre compte quels sont réellement leurs goût musicaux, ils sur-téléchargent, ils écoutent un morceau de ci de là, ils ne rentrent pas dans la musique, ils ne se l’approprient pas, puis ils jettent, et ça, ça tue la musique.
Bien sûr, chaque groupe aujourd’hui est sur Internet, tu ne peux pas ignorer ce nouveau média, c’est devenu nécessaire, obligatoire.
En fait, ce n’est pas Internet qu’on attaque, ce sont plutôt les comportements. Tout est une question de responsabilité individuelle.
Il y a aussi les blogs qui pullulent ! Je ne sais pas en France, mais en Irlande, c’est devenu une espèce d’épidémie ! Les gens mettent leurs photos persos, racontent leur vie… c’est pas parce que t’as la possibilité de montrer ta vie à la terre entière que tu dois le faire ! (rires)
On va encore passer pour des réac qui détestent les nouvelles technologies ! (rires)
Parlons un peu de la tournée qui se prépare pour vous actuellement. Vous devez vous rendre aux Etats- Unis. Avez-vous déjà joué là bas ?
Oui, on y est déjà allés 2 fois.
Cette fois-ci nous y allons dans le cadre d’un festival de musique irlandaise, nous y allons pour la Saint-Patrick. Ça devrait être une grande soirée irlandaise. Dans la soirée, chaque magasin, chaque café, chaque pub restera ouvert et se transformera en salle de concert.
Vous tournez aussi pas mal avec d’autres groupes, à Paris avec Hey Gravity ! ou Jamie T, c’est quelque chose d’agréable pour vous de partager une scène plutôt que de jouer seuls ?
Oui, comme on disait, c’est agréable de pouvoir échanger, parler musique avec d’autres gens. On a déjà rencontré Jamie T en fait. Aux Etats-Unis, on a joué avec plein de groupes différents, c’était vraiment sympa. C’est bien, nous 4 on se parle déjà tout le temps !
Au début, on est toujours un peu timides, pendant les balances, on se tourne un peu autour, on se dit des choses du genre "Ouais c’est pas mal du tout ce que vous faites, ça sonne bien !" (rires)
On arrive à la fin de l’interview, qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour l’avenir ?
Bonne chance !
(moment de réflexion).
Une bonne santé. De bonnes chansons.
|