Située en Louisiane, la nouvelle Orléans est une ville atypique dans le paysage américain. Brassage de cultures et donc de musiques, elle offre un melting-pot et une saveur particulière. Ville d’où sont originaires Lonnie Johnson, Louis Armstrong ou Fats Domino, c’est également d’ici que viennent le jazz et le blues.
Sur la carte postale, on peut voir la joie de vivre, la musique de rue, des rocking-chairs sur les terrasses des vieilles maisons et les airs de jazz. Le carré français, le carnaval, l’architecture colonialiste avec ses grandes bâtisses somptueuses complètent le tableau idyllique. Mais si l’on prend la peine de retourner la carte postale, on peut voir les ghettos noirs et toute la misère que l’on a découverte, sur toutes les télés du monde, lors du passage de Katrina.
Mais pourquoi diable commencer cette chronique par une évocation de la Nouvelle Orléans digne d’une présentation sans concession dans une émission de grands reportages télévisés ? Car, chers lecteurs, la musique de Gill Landry vient précisément de cet endroit.
Et si, naïfs que nous sommes, nous étions tentés de nous balader dans Bourbon Street pour écouter de la musique jazz en regardant passer le tramway immortalisé par Tennessee Williams, Gill Landry va, lui, nous amener de l’autre côté du décor, plongeant dans la noirceur de la ville.
Puisque pratiquement inconnu ici et ailleurs, je me suis donc tourné vers la plaquette de présentation de la maison de disque pour glaner quelques informations sur l’artiste. Débutant comme musicien de rue dans la ville de New Orleans, Gill Landry a ensuite créé Kitchen Syncopators inspirés par la country, le jazz et la musique américaine des années 20 et 30. Plus récemment il s’est fait joueur de steel-guitar et de banjo dans Old Crow Medicine Show et sort maintenant son premier album solo, The Ballad of Lawless Soirez emprunt de noirceur et fort d’une culture musicale brassée.
Avec sa pochette, très film noir, The Ballad of Lawless Soirez évoque la couverture d’un recueil de nouvelles. A côté du titre principal s’ajoutent "High sea treachery - A brutal bedroom muder" et "A man and a woman - Alone with unseen peril" comme autant de nouvelles aux titres évocateurs pour allécher le lecteur et le prévenir de la teneur de l’objet. Et la comparaison avec le recueil n’est pas fortuite car chaque chanson est une histoire avec ses personnages. Une ballade à travers l’Amérique poussiéreuse et pas forcément porteuse d’espoir racontée par une voix de ténor profonde.
Côté musique, Gill Landry marie guitares, piano, batterie mais aussi cuivres et cordes pour déambuler à travers le jazz, blues, folk ou bien country et même nous faire traverser la frontière mexicaine au son des Mariachis.
Mélange des genres donc. Le blues-folk de "Poor boy" qui ouvre l’album côtoie le folk traditionnel agrémenté de cordes ("Dixie") ou de cuivres et de scie mélodique ("Lawless Soirez"). La rythmique saccadée de "Loneliness" renvoie aux années 20 et à leurs big bands et "Anjolie" nous projette devant les yeux des images de tango argentin, femmes brunes aux cheveux tirés en arrière et aux chaussures à talons. Et tandis que "Magdalene" rythmé à trois temps tient plus de la complainte que de la valse, "Coal Black Heaven" frôle la pop-folk.
Décrivant des histoires désenchantées au son d’un mélange musical réussi et naturel, Gill Landry raconte, comme autant de petites nouvelles, les côtés moins glamour de la carte postale américaine. |