Plateau éclectique ce soir avec Tender Forever, Gomm et Electrelane. De l’intimo-folk, de l’expérimental pop et du kraut-sentimental. Rien que ça.
Et c’est Tender Forever qui se colle à l’ouverture d’une soirée remplie jusqu’à la gueule de publics divers et variés.
D’emblée, on se dit que la Bordelaise seule en scène va bien avoir du mal à remplir l’espace. Et puis la dame se met au clavier. Un mini clavier pour de grandes compositions. La française chante en anglais, c’est un bon point, des chansons remplies d’émotions, sur le fil, comme Bjork à ses débuts. Voix râpeuse qui hésite entre la pop et l’expérimental. Les deux, il est vrai, se marie bien.
Silence dans la salle, Mélanie est touchante : "D’habitude à la fin de mes chansons, il y a toujours ce moment fatidique où la chanson s’arrête, et je bois, je bois beaucoup, et le silence s’installe. Alors s’il vous plait, applaudissez pour remplir le silence". Succès garanti.
Tender Forever, c’est l’assurance d’une chanteuse sans la confiance, comme sur ce "Take it off" bien senti. Une reprise de Cody Chesnutt plus tard, Mélanie a gagné la salle à sa cause electro-folk, en dépit du dépouillement musical (une voix, un mac, des loops). On penserait presque à Cocorosie pour le grain de voix, quelques arrangements similaires. Ce serait un peu réducteur. La dame gagne à être revue, réentendue en concert intimiste. Ca vaut bien les borborythmes de Camille.
Ambiance radicalement plus sauvage pour Gomm. Gomm qu’on imaginait pas comme ça. Gomm, c’est la violence d’un électron nucléaire en pleine fission. Gomm, ce n’est même pas français. Ca lorgne du coté de la Belgique, et on ne peut s’empêcher de penser à ce concert de Ghinzu à l’Olympia voila deux ans.
Même énergie, même force des compositions, même charisme de la chanteuse (Marie) littéralement possédée, envoutée. Envoutante. Les yeux sortis de leur orbite tellement les mélodies se cachent derrière le larsen, mais toujours présentes les mélodies. C’est le rock symphonique à l’électricité débordante, et on ne voit que Steeple Remove pour développer aussi bien les motifs musicaux en boucle, autour d’une voix chamanique.
Marie massacre son orgue sur "Crashing Waves", et la chanson de durer plusieurs minutes en mode religieux…. Gomm assure ce soir et gagne sans nul doute son statut d’outsider de l’hexagone dans les musiques nobles et ambitieuses.
Voila les quatre de Brighton. Electrelane. Ces anglaises sont attendues comme le messie, pour le moins. Electrelane, en l’espace de trois albums, ont acquis le statut de groupe ultime, en dépit de physiques pour le moins singulier.
Et dès les premières notes, les gens savent que le concert de ce soir sera grand. Vocalement en forme, Electrelane démarre avec les titres de son dernier opus, Axes, toujours aussi sombres sans tomber dans le pathos. Légèrement plus kraut sur les rythmes, la batteuse semblant sampler la batterie de Neu ! à chaque instant. Il y a ce coté Moe Tucker sur le jeu, binaire et puissant, austère et incisif. Pendant ce temps, Ros et Verity se partagent le chant.
Et c’est l’explosion sur "After the calls". Electrelane ressemble à une version festive de Mogwai. Festive, c’est un bien grand mot, mais les pogos vont bon train dans la foule. C’est insensé. La moitié de la salle, autant d’hommes, tombe amoureuse de Mia Clarke la guitariste belle comme un diable en strato.
Les quatre de Brighton méritent bien leur statut culte, car le son est impressionnant, et les harmonies vocales de premier plan. Il est étonnant de remarquer que le public réagit dès les premières notes de chaque chanson.
On sort du concert, les pas sur le bitume de Pigalle, un peu sonné par trois concerts radicalement différents. Oui, définitivement, les femmes ont gagné la bataille ce soir. |