Cécile Schott, alias Colleen, propose depuis quelques années maintenant une musique électronique faite d’acoustique, à moins que ce ne soit l’inverse, où l’on ne perd pas seulement le sens de la classification (electronica ? minimalisme acoustique ? folk synthétique ?) mais également ceux de l’orientation et de la pesanteur, pour s’en aller rêver d’espaces plus éthérés, beaux - mélodieusement beaux.
Après deux album remarquables, Everyone alive wants answers (Leaf label, 2003) et The golden morning breaks (Leaf label, 2005), après 500 exemplaires d’un album live (Mort aux vaches, Staalplaat, 2006) et un EP un peu fou utilisant les mélodies mécanisées de boîtes à musique (Colleen et les boîtes à musique, Leaf label 2006), Colleen propose avec Les ondes silencieuses un troisième album aussi abouti que finement titré.
De silences et d’ondes, ces trois quarts d’heure de musique regorgent certainement plus que des boucles et collages que l’on aurait pu attendre. Ici, la musique s’étire et s’aère, comme on s’étirerait après une sieste, comme on s’aérerait à l’ombre d’un jardin. La densité quelque peu entêtante d’une électronique à laquelle la syncope va comme un gant a laissé la place à l’absolue légèreté de mélodies égrenées autour du silence lui-même - avec une admirable application à la lenteur.
Traversé de cette onde continue de silence, l’album prend le risque d’offrir ses mélodies mises à nues, dépouillées de tout effet de production, comme on dirait "de tout effet de manche". Baignées de silence, les notes n’en résonnent que mieux ; si bien, à vrai dire, que l’on devient sensible à l’extrême variété des instruments utilisés, et aux différentes textures de leurs sonorités. C’est que Colleen s’amuse à toucher à tout : guitare, violoncelle, mais aussi clarinette, épinette (une sorte de clavecin), viole de gambe et tout un tas de percussions, résonances et vibrations plus ou moins identifiées. Et si l’on peut supposer que cette variété interdit des prouesses permanentes de virtuosité, c’est pour réaliser qu’il ne reste alors à Colleen pour tenir ses compositions qu’une sensibilité d’une délicatesse extrême, exquisément raffinée.
Instrumentale, méditative, voire même : contemplative, la musique de Colleen n’en bascule jamais pour autant dans l’intellectualisme, la complaisance ou l’affectation. Minimaliste, elle l’est avec un grand naturel, et le vide autour duquel elle se noue va toujours de soi. Aussi irréelle soit-elle, aussi profondes soient les rêveries qu’elle provoque, c’est une musique qui a le très grand mérite de savoir rester simple. Pas une de ses musique à réserver aux instants parfaits - celles, donc, que l’on n’écoute jamais. Une musique à écouter sur son canapé, tout simplement, le temps d’une soirée de détente ; ou sous la couette, l’oreille à peine tendue, les yeux clos ; dans le métro, pourquoi pas, pour s’habiller d’un peu de quiétude. Une musique de ce monde, qui parle d’un autre, sans autre prétention que d’en parler bien, avec cette si difficile sincérité des choses les plus naturelles. Rien de plus. Et c’est déjà bien assez beau.
Française de naissance mais anglophone professionnelle, publiée par un label britannique, Colleen n’a pas encore en France la reconnaissance qu’elle mérite - qu’elle n’a pas hésité à aller chercher outre Manche et outre Atlantique. Espérons qu’avec ce nouvel opus, elle finira par l’atteindre ici aussi. |