Avec son pseudo de dictateur d’Europe de l’Est et le titre de ce premier album un brin mellow, Pablo Krantz ne pouvait être qu’un bourreau des cœurs. Un martyr peut-être. De ceux qui aiment cultiver la brèche. Ce premier album, quoi qu’on en dise, est sans failles.
Sans failles et sans reproches même. Car en dépit de l’utilisation de la langue française dans le texte (et la cohorte de peurs qui s’y rattachent pour l’auditeur), Pablo Krantz fait passer un nombre d’émotions grâce à un certain détachement, un regard d’ailleurs sur le monde. Sorte de dandysme touristique qui lui fait voir la France d’au-dessus.
La force Des Chansons d’amour… ce sont en premier lieu ses instrumentations, ses arrangements et son décor. "Dans ta boîte à lettres", au premier abord simple ritournelle Benjaminbiolesque, dissimule à la seconde lecture un petit bijou pop mid-tempo qui rappellerait presque, une fois émêchée, la poésie de Nino Ferrer. Et oui, la scène française n’enfante pas que des branleurs d’idées creuses.
Et puis il y a la chanson, "Dans ta piscine", sorte de depression waterproof magnifiquement orchestrée, avec son refrain red-neck soutenu par une batterie barbare qui enlève le rythme. On est loin de Mick est tout seul, et ce genre de souffrances SM. Pablo Krantz, ce sont en quelque sorte les aveux de faiblesses mis en chansons, jamais vulgaires.
Et puis un penchant pour l’instrumentation, encore une fois, qui voit Krantz lorgner vers le cow-boy Morricone sur "L’interminable chanson de la mer interminable" en y ajoutant avec dextérité la modernité des bidouillages electros discret, passant là juste parce qu’il y a de la lumière qui sort des guitares. Et pour couronner le tout, le Krantz fusille les dimanches après-midis ("Babel city tour"), l’angoisse des romantiques qui savent que le peuple est dehors, que les angoisses sont rentrées. Quel bonheur, quelle belle chanson.
Il y a certes quelques longueurs un brin fleur bleu (La mutation et ses tentations "Chansons pour filles qui se touchent"). N’empêche. Il y a dans la voix de Pablo la lumière de désespérance qui remplit l’âme sans faire sourire. Et des arrangements rock sur moquette pop ("Le rêve du samedi") qui prenne au cœur alors que les neurones s’y refusent. Comme dans bien des cas, le cœur est plus fort.
La filiation avec Daniel Darc se fait sentir au coucher du soleil, piste dix, sur "Les cartes de visite", Pablo Krantz joue la carte à fond, sorte de démarcheur sentimental qui vend son amour au porte-à-porte. VRP des sentiments. Et en plus… Ca marche ; on achète. "Vous reprendrez bien un peu de Taxi Girl monsieur ? C’est très bon pour ce que vous avez…".
C’est tellement beau qu’on sortirait presque son Krantz d’arrêt pour couper à toute discussion. |