Quatre lettres monumentales d’un rouge vif sur le mur de l’Olympia,
pas de doute on est présent pour un nouveau rendez vous avec Blur
nouvelle formule.
En première partie the Coral . Sur leur dernier disque
"Magic & Medicin"e on était assez séduit sans être
emballé par leurs chansons intemporelles sympathiques, enfin plutôt
furieusement retro, qui allaient chercher dans un songwriting à la Love
pour les morceaux les plus inspirés.
Très sincèrement pour ce concert le voile tombe et dévoile
un groupe pop-rock totalement mainstream, sans que cela soit une tare suffisante,
extrêmement ennuyeux et formaté. Les guitares rythmiques rappellent
les groupes alternatifs français voire festifs, réalisation assez
navrante et qui se regarde le nombril sûr de son succès sur les
stations de grande écoute. On se rappelait de JD Beauvallet dénoncant
leur talent depuis des années (avant même qu’ils aient sorti
un album), on est un peu déçu qu’ils en soient arrivés
là, enfin pour nous. Peut être pas totalement insignifiant mais
dans l’ensemble sans intérêt et largement décevant
par rapport à l’album.
Sinon pour blur, comme d’habitude Graham n’était
pas là donc on a regardé de loin…
Non je plaisante ! On se rend même compte qu’en fin de compte,
si à 15 ans on était fan de Graham plus que de Damon c’était
peut être juste parce qu’il était plus facile de rentrer
dans les baskets du premier (jerk, nombrilliste, fan d’indie rock, asocial
et à lunettes) que de s’identifier à la frimousse de l’icône
mythique de la britpop.
Qu’on le veuille ou non Damon Albarn a un charisme et
une présence hallucinante qui même dans ses prestations les plus
téléguidées arrivent à nous glacer le sang rien
qu’à croiser son regard. Passées la fascination pour les
retrouvailles avec ce phénomène, il reste un concert sans surprise
(qui dit nouveau guitariste, dit repertoire étriqué au minimum),
par rapport à leurs dernières prestations. On est tout de même
plutôt content d’avoir quelques rares "nouveautés"
comme "Blue Jeans" (tant qu’à choisir un de
cet album, ils auraient pu être un peu plus audacieux mais bon) qui est
plombé par la lourdeur du groupe ou encore "To the End"
plutôt réussi en plus d’être une magnifique chanson.
Au final on ne fait pas la fine bouche sur des performances comme celles de
"This is a low", "Caravan" ou "End
of Century".
Sur toutes les bonnes chansons on reste extrêmement déçu
par la perte de fraîcheur et la subtile perversité qu’on
y trouvait auparavant ; ainsi par exemple "the Universal"
perd totalement ici son insolence incroyable. Les chansons ont beau être
ce qu’elles ont toujours été (mésestimées)
leur prestation en concert est lourde, calibrée et dénué
de nuances, en clair en pilotage automatique avec un effet d’usure et
une lassistude tangible pour le groupe.
Sur le plan musical Damon lache la musique (plus de mélodica, un sous
fifre s'en charge en semi backstage, enfin hors du champs de vision incité)
et procède avec rigueur suivant deux procédès : la guitare
jeu pour se chercher une attitude et pour s’amuser (cela donne de la contenance
comme on dit) ou alors des numeros de cabots systématiquement en dehors
de la chanson ou des riffs abortés juste comme clin d’œil
"et les gars je sais jouer mes chansons" qui vont à l’encontre directe de ce que l’on attend d’un
concert : on joue de la guitare pour la musique pas par attitude ou comme faire
valoir, enfin il ne me semble pas être un extrémiste en soutenant
ce point. Le concert est de ce point de vue, en tant que concert, médiocre,
contre point à la vulgarisation. Comme disait le compositeur dans Mort
à Venise : "You know what lies in the mainstream ? Mediocrity !"
, à trop vouloir être grand public et faire plaisir à tout
le monde, la merveilleuse alchimie de Blur se dilue durant ces deux heures.
Avant d’en remettre une petite couche (légitime) on revient sur
les quelques moments magiques, des détails qui, magré tout, contribuent
à faire de cette soirée une très bon moment. Les lyrics
de "End of a Century" qui se metamorphosent "And the
mind gets dirty. As you get closer to fourty (thirty)" , oui je sais il
faut peut être fan harcdore de Blur pour apprécier, mais ça
fonctionne très bien pendant le concert, un clin d’œil lucide
au passé du groupe en opposition à certains vieux briscards lachant
"hope I die before get old" sans plus y croire.
Un petit signe de la tête de Damon en composition de Pierrot Lunaire
sur la fin de "the Universal" qui sauve la chanson en lui
redonnant une perspective plus onirique, ou alors s’égosillant
sans fin à la fin de "Battery in your legs" et mettre
une minute à s’en remettre sur l’intro du même Universal
et que le masque tombe et fasse resurgir la vulnérabilité sympathique
du phénomène. Au delà de ces moments épars, le plaisir
est parfois plus étendu comme sur ce "Beetlebum" très
enflammé et crédible. Ces fulgurances font que le concert se passe
comme dans un rêve, sans distance, en résonnance avec l’influence
qu’a pu avoir ce groupe sur nous depuis le début des années
quatre vingt dix..
Le problême avec le recul cela reste aussi ce nouvel album : très
sincérement pas au niveau à part "Out of Time",
l’excellent "Caravan", et le spleen sans appel du "Battery
in your legs". Enfin bon, le concert a eu la lucidité de se
laisser soutenir massivement par leur discographie sans faille. Cette dernière
étant utilisé de manière de moins en moins efficace les
concerts de cette nouvelle tournée passant : on tombe dans le téléguidage,
le professionalisme, l’aseptisation et par désintérêt
des prestations approximatives et désincarnées.
Ainsi "Trimm Trabb" (un de mes titres préférés,
sans doute un des votres aussi) voit tout son mouvement paroxystique méconnaissable
et pompier au lieu de l’urgence psychédélique et de la folie
habituelle. En général la musique ne suit pas dès que cela
part un peu en vrille (l’interlude de "One the way to the club"
en est un exemple ) alors qu’elle consistait auparavant la jouissance
d’un concert de Blur, une petite errance fugace comme un coup de folie
passager. Parfois le groupe s"éprend de l’audace de sortir
du cadre des chansons pour un petit numéro, souvent raté à
part le début de "Out of Time" en mysticisme pacifiste.
Damon dans la même ligne d’idée fait son showman de stade,
le dialogue avec le public s’établit sur le même niveau pour
faire chanter le public et à étirer les fins de chansons pour
faire croire que la magie fonctionne toujours. Le groupe est devenu une chose
un peu obscène, et joue son rôle d’entertainer décrié
dans le très subversif "Entertain me" de 95 : "A
car, a house both in the street. The boredom of the sober week. The Week end
is here, hip hip hooray. To make the blues just go away" , c’est
plus cette ambiguité que j’aimerais retrouvé chez Blur.
Malgré toute l’affection que l’on conserve envers eux et
leurs chansons, le concert est objectivement décevant.
Pour finir sur une note positive, le groupe a cloturé sur "This
is a low", celle ci tout à fait adaptée à une
prestation dans ce cadre scénique , hymne fondateur par excellence et
magnifique tout simplement, qui touchera toujours en plein dans le mille, pour
défendre l’ambiguité, la perversité et la justesse
du groupe qui a marqué nos années initiatiques.
C’est trop bête, vous auriez dû venir.
La setlist complète et dans l’ordre : Ambulance
- End Of A Century- Blue Jeans- Gene by Gene - For Tomorrow- Good Song –
Tender- Caravan- Out Of Time- Girls & Boys- Brothers & Sisters - Song
2- To The End- Badhead- Trimm Trabb- Battery in your legs - The Universal –
Beetlebum - On The Way To The Club – We’ve got a file a File On
you - This is a Low. |