Entrée dans la salle, force est de constater que sur son nom, Shellac déplace du monde, la salle est pleine et finira bondée par les retardataires.
Zone Libre est déjà sur scène, éclairés par un jeu de lumière plus qu'épuré (mumière blance, aucun effet) Marc Sens (guitare), Serge Teyssot-Gay (guitare) et Cyril Bilbeaud (batterie) jouent un rock plus que libre, comme leur nom l'indique. Les trois musiciens dégagés de toute contrainte musicale développent un projet musical original et concis. Riches de toutes leurs expériences passées (voir la biographie des membres sur leurs sites respectifs) le trio joue une musique complexe, dense parfois sombre.
L'ambiance sur la scène est sérieuse, appliquée. Les tentatives musicales s'enchaînent, utilisation d'un archer sur une guitare électrique, le travail du son est impressionnant de rigueur. Ces gars là sont des peaufineurs, des petits génies de la performance. Il sera intéressant d'écouter leur album, discrètement sortie en janvier sur T-Rec, jeune label de la région parisienne, pour écouter ces morceaux gravés sur disque. La simplicité et le dépouillement sont de mise.
A la fin de leur set, les trois musiciens viennent simplement saluer la foule à la manière d’acteur de théatre.
Puis Shellac se met en place, Steve Albini, dans une combinaison de travail frappée du sceau de son si célèbre studio d'enregistrement, Electrical Audio, vient connecter amplis et guitare. Quel matériel !! Du rarement vu, têtes d'amplis énormes et chromées. Pas de marque, ni logo apparent, corps d'amplis aux grilles rouillées, pour lui et Bob Weston, bassiste et "porte parole" du groupe (nous verrons plus loin) Todd Trainer, batteur de son état, se balade nonchalamment sur la scène ses éléments de batterie à la main.
Le trio de Chicago est enfin en place, et c'est parti pour un déluge sonore. La frappe de Trainer est toujours aussi impressionnante. Avec Weston ils assomment littéralement l'audience. Albini, quant a lui, conserve ce son de guitare si particulier, tranchant comme un diamant. Les titres des anciens albums se suivent, entrecoupés de quelques inédits de celui que toute l’assistance attend Exellent Italian Greyhound, à venir pour début juin.
Les morceaux connus ont subi un travail spécial pour la scène. Comment décrire ce que ces trois gamins sont sur scène. Pour les moins jeunes d'entre vous, peut-être avez-vous pu suivre les doubles messieurs du tournois de tennis (décidément ces temps-ci !!) de Elie Nastase et Jimmy Connors. Ce serait comparable à ça. Ils s'amusent avec leur musique, s'arrêtent là où personne ne les attend, pour rebondir encore une fois de manière inopportune.
Ils vont terminer un morceau ou Albini et Weston vont venir stopper, en coeur, les deux cymbales de Trainer en déclenchant un sourire sur toutes les lèvres. Et comme si cela ne suffisait pas, il vont le refaire trois fois et auront, eux aussi, du mal à garder leur sérieux. Des gamins je vous dis, mais attention des professionnels. Une qualité sonore et musicale rarement vues sur scène par les temps qui courent.
"Billiard Player Song" sera largement rallongée par rapport à la version du disque. "Wingwalker" sera l'occasion pour eux de faire l'avion !! Les bras étendus, Weston sur un pied, Trainer perché sur deux enceintes posées derrière sa batterie, à mimer un avion en vol (et même les turbulences) Les morceaux sont remarquablement exécutés. Que dire de plus, les meilleurs morceaux ont été joués, plus ceux que nous ne connaissions pas encore.
Ces trois personnages du rock ont une particularité en concert, entre les morceaux, ils s'arrêtent et demandent au public s’il a des questions à poser. Devant une salle de 1200 personnes, l'exercice est un peu difficile, mais dans des salles de plus petite capacité, c'est un régal. L'humour de Weston, qui ne manque pas de croquer les interviewers improvisés, tombe toujours à point nommé. A la question "sur quelle bande avez-vous enregistré ?" il répond "I think it's a BASF ... boy you're a geek" Passées les sempiternelles questions "Pourquoi ne venez vous pas jouer ici ou là ?" dont la réponse est évidemment, "Tu es là, nous sommes là, de quoi te plains-tu ?"
Certaines peuvent être sympathiques ou intéressantes. Malheureusement, pas ce soir. Une personne de l'assistance, qui aurait du tourner sa langue dans sa bouche avant de parler, leur a demandé "Pourquoi les places sont si chères ?" Cela a déclenché un léger énervement chez les musiciens, en particulier Todd Trainer, qui viendra s'adresser à lui à la fin du set. On peut comprendre leur incompréhension, la place ce soir était à 25 € environ, pour une qualité quasi irréprochable, un concert d'une heure et demie au bas mot. Pour d'autres artistes, le prix des places peut monter beaucoup plus haut, la quantité de personnes dans la salle étant lui aussi exponentiel.
Le concert se terminera en beauté, les musiciens faisant monter sur la scène, deux membres du public, pour les aider à marteler les cymbales, en rythme, avec eux. Une fin toute en couleur, pour une soirée vraiment spéciale. |