Contrairement aux évocations de son patronyme, Elvis Perkins ne possède aucune filiation avec Carl "Blue Suede Shoes" Perkins. Pourtant, les parents d’Elvis furent d’illustres artistes : l’acteur Anthony "Psychose" Perkins et la photographe Berry Berenson. Furent … car tous deux ont perdu la vie. Dans des circonstances dramatiques qui plus est : son père en 1994 du SIDA, sa mère dans les attentats du 11 septembre 2001.
On imagine le traumatisme subit par ce jeune homme de 32 ans … Entamée au début des années 2000, la composition de Ash Wednesday revêt au fur et à mesure un caractère particulier pour son auteur, véritablement partie intégrante du processus de deuil. Car les thèmes développés ne s’éloignent jamais vraiment de ces tragédies personnelles.
Au lieu d’opter pour un disque noir, sombre, pesant voire vindicatif, Elvis choisit une écriture gaie, aérée, poétique, métaphorique. Plutôt "After The Gold Rush" que de "Tonight’s The Night" donc. Elément notable, Elvis a choisi de présenter ses chansons dans leur ordre d’élaboration, comme pour mieux faire ressortir l’évolution s’opérant chez lui. Et de constater que Ash Wednesday se décompose en deux mouvements distincts séparés par le titre éponyme en guise de rupture.
A ce stade, seule une écoute chronologique s’impose. Premiers contacts et premières génuflexions sur "While You Were Sleeping", sidérant de beauté. Six minutes voyant le morceau s’étoffer, la voix grimper, puis retomber, les instruments s’ajouter jusqu’à une époustouflante montée finale. A tirer les larmes des yeux. Thom Yorke, le Nick Drake de Bryter Layter ou Adam Green, autant d’influences classieuses sur l’écriture à peine dissimulées.
Après un blocage prolongé sur ce titre lumineux, on consent finalement à poursuivre l’exploration du disque. Pour y découvrir une multitude de joyaux au rang desquels peuvent être rangés "All The Night Without Love" ou encore "Moon Woman II". Arrangements de cuivres et de cordes luxuriants, mariage subtil de guitares sèche et électrique, Elvis Perkins propose sur la forme une country-pop que n’auraient pas reniés Fairport Convention ou encore plus récemment les Decemberists ("May Day !").
En plage sept, arrive le tournant du disque, à savoir la déchirante "Ash Wednesday", évocation à peine voilée des attentats du World Trade Center. Sur cette chanson, Elvis délaisse les rivages folk-pop du début pour se muer en chanteur soul littéralement habité. Sam Cooke, Otis Redding ou Marvin Gaye, là encore les influences restent évidentes mais le talent de notre homme fait le reste.
D’inspiration folk, quasi-religieuse, les quatre derniers morceaux sonnent comme une prise de recul et un travail sur soi face à ces évènements. Cette fois, les références sont plutôt à chercher du côté du Nick Drake de "Five Leaves Left" mais aussi de Papa M ou de Matt Ward.
Voilà pour ce tour d’horizon du premier effort d’Elvis Perkins, véritable révélation folk-pop de ce début 2007. Une générosité, un talent de composition et d’interprétation sans bornes, une déconcertante facilité à passer d’un registre à l’autre … qui ne sont pas sans rappeler un certain Jeff Buckley.
Impossible de se tromper, une nouvelle étoile est née. |