Jimi Tenor est de ces gens qui sont un plaisir de suivre ; avançant avant tout au gré de ses envies, le chanteur et saxophoniste finlandais vit détaché des frontières et des étiquettes. Aimant tant le jazz que la pop, l’électro et la musique contemporaine, il saute de l’un à l’autre sans opportunisme. Et continue à tracer son sillon.
On a retrouvé l’afro-beat ! Cette musique de danse, de sexe et de politique était en train de copuler avec une électro-pop éthérée dans les forêts de Lathi à deux cent kilomètres du cercle polaire… Nom de code : Joystone
Accompagné du trio Kabu Kabu, Jimi Tenor se fait plaisir en continuant son chemin vers la rédemption groove, sans perdre de vue les arrangements léchés, voire précieux qui font sa marque de fabrique. Bien sûr, le Finlandais, depuis sa période Kitty-yo et notamment le gigantissime Out of Nowhere n’avait pas grand-chose à nous prouver : vois soul séminale, toujours très entouré musicalement, chaque galette est un plaisir.
Pour cette dernière, Tenor annonce la couleur : Kabu Kabu est un trio exclusivement rythmique (batterie, basse et percussion) qui va permettre au finlandais et ses invités, des anciens de chez Fela Kuti, ou des renforts du five corner quintet, comme le très bon trompettiste Jukka Eskola. La Finlande est une terre de jazz, malheur à qui l’ignore. Et Tenor s’échine à nous le rappeler, servant même sur un écrin des morceaux de bravoure à Kalle Kalima, guitariste de renom sur la scène jazz européenne.
Que les amateurs de pop se rassurent, il ne s’agit pas à proprement parler d’un album d’Afro-Beat et encore moins de jazz. L’oiseau est trop malin pour se laisser enfermé dans une seule cage. On a continuellement l’impression d’une bande son seventies pour adaptation d’un pulp fiction quelconque, mais les synthés nous ramènent aux obsessions du finlandais ; on est là pour le simple plaisir de la musique.
Le titre "I wanna hook up with you" en est l’illustration parfaite ; de premier abord, ceci est du pur afro-beat, tel qu’il était distillé par le Le Lafayette afro-rock band en 1974. C’est le pivot de cet album, celui qui donne le plus de place au propos des musiciens, mais c’est dans l’arrangement, la production que l’on perçoit la patte de Jimi Tenor et la modernité de son propos, qui adopte et adapte des dizaines de racines : Lalo Schiffrin, notamment, auquel on pense plus d’une fois au gré de l’album, mais aussi Stevie Wonder ou Frank Zappa. Zappa, c’est dans le morceau "Love is the only god" qu’on croit le déceler, à travers une intro particulièrement léchée, comme un franc clin d’œil.
Joystone est un disque qui prendra du plaisir à vieillir, un de ces disques qui passera sans problèmes les outrages du temps, car il s’appuie sur des valeurs que tous les amateurs de musique doivent pouvoir s’y reconnaître. Mais ce n’est pas parce qu’un album vieillira bien qu’il faut mettre dix ans à s’en apercevoir. Et celui-ci est bien parti pour vous accompagner tout l’été. |