Reconnue figure majeure de l'art contemporain, liondorisée à la Biennale de Venise 2005, avec la magnifique installation "Casino" dont un volet est ici présenté, Annette Messager expose au Centre Pompidou, sous le titre clin d'œil "Les messagers", un vaste panorama, terme qu'elle préfère à rétrospective, de son travail qui couvre les années 1971 à 2007.
En collaboration avec Sophie Dupleix, conservatrice au Musée national d’Art moderne, elle met en scène elle-même ses oeuvres selon un schéma quasi chronologique. Quels sentences véhiculent ces messagers que tricote Annette la bien nommée?
Annette Messager n’est jamais avare d’explications quant au sens de son travail et au symbolisme de ses oeuvres. Mais comme elle dit aussi être une menteuse et une truqueuse…
Le ton est donné avec "La ballade de Pinocchio à Beaubourg", installée dans le forum qui, dans un ballet ascensionnel incessant, hisse et laisse tomber des fragments de corps vers le niveau inférieur.
Au sous-sol, dans "L'enclos du pantin", le petit Pinocchio, modeste marionnette rudimentaire en bois, mollement couché, sur un traversin, tourne inlassablement les yeux rivés vers le ciel d'où fusent ces énormes attributs humains dont il rêve.
De quoi méditer sur la condition humaine. Avec à l'entrée de l'exposition, "La Ballade des pendus" qui défilent au dessus de la tête des visiteurs. Bienvenue dans le petit monde d'Annette Messager !
Comme de nombreux artistes de sa génération, par exemple, Bruce Nauman, Rosemarie Trockel, Ann Hamilton, elle pratique et use de l’assemblage d’objets, la taxidermie, la collection, l'articulation de la forme, du mouvement et de la soufflerie.
Cela commence par "La chambre de la collectionneuse", dont on examine le contenu de l’extérieur à travers de petites fentes de voyeur, qui, dès les années 70, qui pose les prémisses d'un travail obsessionnel et répétif.
Elle décline à l'envi la collection, qui relève des protocoles enfantins d'appréhension et de compréhension du monde, comme les jeux macabres avec les animaux morts, la déconstruction et la reconstruction, l'utilisation des jouets comme simulacre de soi.
Elle brode, coud, pique, assemble, colle des matérieux ordinaires, tissus, laine et affectionne tout particulièrement les peluches ("Les restes").
Comme les médecins du Moyen Age qui traquaient l’âme dans les moindres recoins du corps, elle procède de manière empirique à la dissection de l’humain pour y trouver l’essence de la vie.
Inlassable questionneuse de la condition humaine et de l’identité, elle décortique le corps, le tronçonne, le dissèque, dénude son réseau sanguin ("En balance"), étale sa machinerie interne ("Dépendance-indépendance" et exibe les organes ("Gonflés-dégonflés").
Après les installations statiques, on passe des collections aux formes articulées, aux automates et aux sculptures gonflables.
Les marionnettes d'Annette Messager ne se contentent pas de faire trois petits tours puisqu’ils sont condamnés à tourner inlassablement ("Articulés-désarticulés").
L'installation "Casino", emblématique de l'oeuvre d'Annette Messager, est d'une beauté profonde et rare, presque hypnotique, en ce qu'elle nous plonge dans un univers, aux confins de la naissance et de la mort.
Au sol git un immense voile de soir rouge sang qui est animé de vagues légères. Le souffle s'amplifie et il ondule comme une mer rouge qui se transforme en torrent qui semble s'écouler de l'ouverture du mur.
Un flot vital qui, à une heure précise, laisse transparaître d'étranges créatures lumineuses.
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