Comédie d'Eugène Labiche, mise en scène de Jean-Romain Vesperini, avec Serge Maggiani, Daniel Berlioux, Charlotte Léo, Franck Monier et Guillaume Ducreux.
Amateur de décors 1900, de falbalas et de portes qui claquent, passez votre chemin si votre approche du théâtre d’Eugène Labiche est ainsi ritualisée.
Pour tous les autres, la comédie en un acte et couplets "L’affaire de la rue de Lourcine", qui met en scène des figures archétypales de la société du XIXème siècle aux patronymes significatifs, le bourgeois rentier Lenglumé et le cuistot Mistingue, deux anciens élèves du collège Labadens, qui , ne se souvenant plus de leurs frasques nocturnes et convaincus d'être les auteurs d'un meurtre sordide, cherchent une solution efficace pour ne pas être inquiétés, montée par Jean-Romain Vesperini est un petit bijou !
Un vrai choix esthétique et une transposition réussie qui attestent, si cela est encore nécessaire, de la modernité du théâtre de Labiche, nonobstant quelques détails anecdotiques datés et un travail remarquable qui n'est pas sans rappeler celui de Jean-Luc Lagarce dont "La cantatrice chauve" de Ionesco a été récemment re-montée à l'identique dans le cadre de l'année Lagarce.
Dans une scénographie très pop art, digne des comics, de Caroline Schilling avec des intermèdes décoiffants et stupéfiants, recomposés par Augustin d’Assignies et accompagnés d’une chorégraphie jubilatoire, il transporte cette désopilante et acerbe tragi-comédie ethno-policière dans les années 60 en creusant la veine du théâtre de l'absurde, dont Labiche est indéniablement le précurseur, et forçant le trait burlesque.
Entre un domestique halluciné et adepte frénétique des patins à lustrer le parquet (Franck Monnier), un cousin qui semble sorti, en un peu moins kitsch, d'un spectacle des Caramels Fous (Guillaume Ducreux), et une épouse hystérique qui se flanque par terre à chaque émotion (Charlotte Léo), Serge Maggiani - vu et apprécié récemment dans des textes forts et très noirs ("Rêve d'automne" de Jon Fosse, "Eaux dormantes" de Larns Noren) - dont la scansion singulière colle parfaitement à l'ahuri Lenglumé et Daniel Berlioux en vibrionnant et roublard Mistingue, forment un excellent tandem, contrasté et désopilant.
Une réussite d'humour noir et de rire jaune, pour les deux couleurs annoncées de ce spectacle.
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