Alors que les portes du Zénith, lieu habituellement dévolu aux concerts de variétés de type Hélène Ségarra ou Lords of Dance s’ouvrent, horaire inhabituel à 17h, pour laisser passer une foule compacte et bonne enfant, il se tourne une nouvelle page dans l’histoire clairsemée de la scène rouennaise : pour la première fois depuis peut être 20 ans, il n’est pas besoin de faire 135 km vers la capitale pour aller voir du rock en live en dehors des festivals d’été.
Cette soirée d’inauguration de la future salle des musiques actuelles "Le 106" vivait, dans ce lieu de culture de masse, la pose de sa première pierre de taille. Au programme, entre autre, Cocorosie, Razorlight, Cold War Kids et Bloc Party.
Dans une interview récente à Froggy’s Delight, le chef de projet de cette ambitieuse salle, Jean Christophe Aplincourt, connu par ailleurs pour être l’ancien directeur du festival ébroïcien "Le Rock dans tous ses états" se voulait le quartier-maître - Rouen est un port - d’un festival permanent, et voulait faire de ce premier rendez-vous, de cette "pré-quel" une soirée qui resterait dans les annales, et qui marquerait le coup.
Qu’il se rassure, le pari est réussi, et tous ceux que la musique animent se réjouissent de voir l’agglo de Rouen se doter d’un outil aussi fédérateur et précepteur de bon son.
L’agglo avait sa petite Manchester et sa classe ouvrière radicale, la Seine en guise de Mersey et ses silos de grain. Il ne manquait plus que la bande son ; la voici.
Elle sera anglophone, électro et rock, mais ne négligera rien, ni le hip-hop, ni le reste, c’est le message envoyé par Aplincourt et son équipe.
Les pelouses du Zénith, occupée par des grappes de groupies de tous âges venues pour voir naître le bébé avait des faux airs de festival en route, au milieu des passeurs locaux et des relais associatifs que sont la radio HDR et Domino TV.
La fête aurait pu être gâchée pourtant, la grosse affiche fondant au gré des annulations.
On ne reviendra pas sur le manque de correction des frères Dewaele, annulant tour à tour leurs avatars Soulwax et 2manyDj’s dont le dernier durant la soirée même…
La grosse défection reste sans nul doute Antony et ses Johnsons. Antony Hegarty contraint d’annuler sa tournée d’été pour des problèmes de gorge (aura-t-il pris froid sur le bateau de Björk ?) au grand dam de ceux qui voulait voir le phénomène du moment.
Dès 18h, c’est Cold War Kids qui ouvre le bal de la scène, après un set de DJ de Mister Crocodile, remarqué, Comme Rizhôme, Tahiti 80 et Yéyé, qui nous fait regretter l’époque bénie ou la Ville avait son café associatif "Le café curieux" où pouvait s’exprimer la créativité des platines…
Les californiens de Cold War Kids et leur bassiste puissant, mais un brin cabot, sont là pour mettre en jambe un public qui arrive par grappe.
Leur rock tourne un peu en rond, et malgré un album remarqué ces derniers mois, on ne sent pas cette énergie déployée sur scène.
Etait-il trop tôt dans la journée ? Possible ! Mais on a surtout cette impression d’un groupe d’attitude plus que d’un groupe de scène. Pas grave, le meilleur restait à venir…
Cocorosie. Une claque d’une heure, et pourtant on sent bien que les sœurs Casady et leur équipe de frenchy, dont le fabuleux beatboxer Tez, vivent dans un univers qui mériterait plus de temps, le temps de s’installer, de construire un univers, de développer.
Une heure c’est court, mais on est émerveillé. Cocorosie est magnétique. On lit de ci, de là des tribunes souhaitant étiqueter ce groupe, "psyché-folk" ou quoi que ce soit d’autre.
Mais après une telle prestation, on a plutôt envie de rire au nez de ces classificateurs bornés de la musique en boîte : lyrique mais urbain, onirique mais fait de chair et de sang, on a plutôt le sentiment d’un groupe qui serait déjà ailleurs quand on croit avoir réussi à les cantonner.
Cocorosie est un moment gracieux et limpide. Le reste n’est que perte de temps, avis que le public, déjà nombreux semblait partager.
Dans une mécanique implacable, c’est le groupe phare de la soirée, du moins celui qui draine le plus de public, qui arrive sur scène après le ballet des roadies couvert par les sets de DJ.
Razorlight illumine le Zénith. Rock imparable un brin glam, attitude et look parfait. Il n’y a pas à dire, Borrel est un bon musicos. Il emplit la scène, pas seulement par sa tenue immaculée qui interroge sur le possible passé de champion de flipper sourd muet de son chanteur.
La musique est britannique, les Libertines ont encore inoculé un nouveau bacille, et tout le monde s’y retrouve dans ce marasme rock. Finies les habituelles litanies sur la froideur du public normand. Rouen est rock, c’est imparable.
Mais l’orage rock n’avait pas fini de déferler. Bloc Party est un vrai groupe de scène, et son leader d’origine Nigériane né dans les eighties dans l’est de Londres a pompé l’énergie de tous les punks de Redbridge.
Le groupe est content d’être là, ça fait plaisir à voir et surtout à entendre, et la fièvre communiquée au public est sacrément plus positive et communicative que celle des starlettes belges du Dee-jaying.
L’ambiance est à son comble, et Bloc Party retourne le public, communique avec eux, en un mot, fout le feu. C’est du pur britannique, c’est propre sans être propret, il y a des tripes et de la furieuse envie de danser. Ce n’est pas la fin mais déjà une bien bonne apothéose, et sans doute la meilleure interaction avec le public.
La soirée se finira avec DJ Zebra, venu de Ouï FM pour pallier à l’absence des Arlésiennes Belges. Belle fin de soirée. Merci le 106, et à bientôt. |