Un buzz gronde et s’amplifie outre Manche depuis quelques mois. Un groupe anglo-islandais est la nouvelle coqueluche (et oui, encore une) de la presse anglaise. Seulement, on ne connaît que trop l’engouement éphémère dont peuvent parfois bénéficier ces jeunes groupes de la part des médias.
Alors l’emballement est-il mérité ou alors, pour paraphraser un certain William S., s’agit-il de "Much ado about nothing ?".
Ce qui est bien lorsque l’on se trouve de ce côté-ci du Channel, c’est que l’on a un regard un peu distancié par rapport à ce qui se passe à l’autre bout du tunnel submarin. Et en effet, on n’est que trop habitué à un emportement excessif de nos confrères anglais en matière de musique. Certes, cela se révèle souvent fondé, mais il n’en reste pas moins que nous, petits froggies, regardons parfois cela d’un œil circonspect ou tout du moins prudent.
L’objet de toute l’attention, en ce moment, est Fields, groupe composé de 4 garçons Anglais et d’une demoiselle Islandaise. S’assurant les faveurs de la presse à coup de single alléchant, le combo mené par le leader chanteur guitariste Nick Peill sort enfin un très attendu premier album. Mais ne citer que ce dernier serait une erreur, tel l’Islandaise Thorunn Antonia est l’autre pièce maitresse de l’identité du groupe.
Et pour faire les choses bien (ou tout du moins pour se donner le plus de chances au départ), il a été fait appel au producteur américain Michael Beinhorn, qui s’est déjà fait un nom en travaillant pour Korn, Marilyn Manson, Hole et même Ozzy Osbourne.
Pour la petite histoire, l’enregistrement s’est déroulé dans une cave à Dublin. Endroit propice, semble-t-il, à la mise en boite d’une musique habitée. Atmosphérique, aérien, habité donc, voilà des qualificatifs qui conviennent bien à cet album multifacettes, mélange des différentes influences du groupe. Cependant, on est bien forcé de penser à My Bloody Valentine. Le shoegaze ne serait donc pas mort mais rode toujours dans l’inconscient des musiciens, prêt à ressortir au détour d’un (micro)sillon.
Transition toute trouvée (quoiqu’un peu téméraire) pour revenir aux champs explorés par le groupe. Pop, rock, folk, acoustique, le tout ingurgité et intégré pour donner un ensemble de chansons mi-acoustiques, mi-gros son, aux mélodies et harmonies astucieuses.
Le chant se fait à 4 cordes vocales, essentiellement celles de Neil Peill et de la jolie Islandaise (la belle des champs). Profitant à fond de ces organes disponibles, les voix se mélangent, se répondent et, le plus souvent, se superposent. Les nappes de claviers et les éclats électriques s’ajoutent et complètent l’ensemble dans une tradition toute britannique.
Le premier morceau, le nerveux et excitant "Song for the Fields", single précurseur de l’album, percute immédiatement et donne raison aux plus enthousiastes. Il précède un lumineux et aérien "Charming the Flames" qui s’ouvre peu à peu au fur et à mesure de la chanson. Et puisque le fait d’être anglais (en musique tout du moins) est en général un motif de fierté, on retrouve quelques morceaux dans la veine pop anglaise tel "You brought this on yourself" un peu à la manière d’un Electric Soft Parade.
La voix gracieuse de l’Islandaise apaise et éclaircie l’ensemble. Les voix des deux chanteurs se superposent avec un mix avantageant l’un ou l’autre comme sur "Feather" ou "Parasite" où Neill laisse la politesse et se met en retrait. Une grande clarté subsiste, une atmosphère réelle ressort de cet album en même temps qu’un sentiment d’énergie.
Le rock passe par l’urgence de l’électrique " If you fail, we all fail" mais sombre quelque peu dans l’excès avec "The Death" à la limite de la caricature. Si l’on veut faire du méchant, autant y aller carrément. C’est ce qu’a dû se dire le groupe en composant ce morceau qui, uniquement à l‘écoute de son titre, me fait frissonner d’effroi. Cependant, on hésite entre adhérer complètement ou sourire narquoisement. Le morceau, qui loin d’être mauvais (au contraire), évoque l’exercice de style tant il dénote. Le hargneux titre aux voix menaçantes, n’en reste pas moins un des morceaux de bravoure de l’opus.
Evidemment, on peut être lassé par le gros son arrivant souvent après un début tout en douceur. L’artifice devient un peu répétitif. Même la sympathique ballade "Schoolbooks" profite de ce traitement et se retrouve quelque peu alourdie vers la fin dans un déluge sonore d’électronique et de guitare saturée.
L’album se finit sur une note d’apaisement. "Parasite" aux arpèges acoustiques s’étend au son de cuivres langoureux qui tireraient presque une petite larmette de mon œil habituellement si sec (et toujours circonspect).
Alors qu’en ces temps uniformes, le son d’un groupe anglais se reconnait à mille lieus à la ronde, Fields sort un peu des sentiers battus pour proposer une alternative convaincante et offre, avec ce premier album, un kaléidoscope de ses influences digérées. On peut regretter une production trop propre à l’image du gros son lissé récurant sensé tout déchirer.
Reste un album excitant, annonciateur de bien belles choses.
PS : J’aurais pu, bien évidemment, glisser un jeu de mot sur le nom du groupe. J’avais certes le choix : le champ de bataille, le champ des possibles ou même par extension phonétique le chant du cygne voir le chant des partisans. J’aurais pu également vous parler de ma cousine Bett qui aimait champs (?!). Mais finalement, non, je ne tomberai pas dans ce travers.
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