Comédie dramatique d'après Cervantès, mise en scène de Philippe Adrien avec Bruno Netter, Stéphane Dausse, Jean-Luc Orofino, Vahid Abay, Geneviève de Kermabon, Mylène Bonnet, Monica Companys, Pierre Delmer, Régis Lang et Bruno Ouzeau.
Inutile de présenter "Don Quichotte", le mythique chevalier à la triste figure inventé par Cervantès dont les aventures picaresques regorgent de fantaisie pour que "le lecteur mélancolique ne puisse s'empêcher de rire".
Et peu importe qu’on y voit un roman picaresque, l’épopée fantasmatique d’un schizophrène, une parodie du roman de chevalerie, un traité kabbaliste, la quête de la démonstration que les livres sont le langage du monde ou un texte précurseur sur l’acceptation de la différence fondateur de notre société en voie de mondialisation comme pour Bruno Netter à l’origine du projet avec sa Compagnie Le 3ème Oeil qui réunit artistes valides et handicapés.
C'est Philippe Adrien qui s'est attelé à la tâche immense, mais aussi, sans aucun doute, captivante et excitante de se mettre aux commandes de ce long vaisseau fantôme pour le faire traverser les siècles, depuis les eaux profondes des heures obscures du Moyen Age pour le faire accoster sur les terres contemporaines au bord du Canal Saint Martin.
Le spectacle commence par un autodafé et s’achève sur Don Quichotte emprisonné nu dans une "fillette", celle réservée, en des temps reculés, aux aliénés et aux prisonniers d’Etat, pour réprimer sa folie subversive. Entre les deux, les aventures fantastiques des deux anti héros antinomiques et complémentaires, le chevalier enchanté et de son écuyer Sancho Pança, sont déclinées en tableaux hallucinants d’inventivité, de symbolisme, de gravité et de drôlerie.
Soutenu par une interprétation solide, dont les remarquables Bruno Netter, Stéphane Dausse, Jean-Luc Orofino et Vahid Abay, qui forment deux avatars du duo répliqué en miroir, l'aveugle et le gnome, le grand échalas et le pansu, le spectacle repose sur une scénographie débridée et burlesque en forme de fantasmagorie, dans laquelle masques et bergamasques, entre caricatures à la Daumier et freaks felliniens, mènent une grandiose sarabande.
Un spectacle dense, riche et intelligent. Aussi une représentation ne suffit-elle pas à en apprécier toute l'érudition et à en percer les arcanes. Qu'on se le dise...
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