Pièce autobiographique écrite et nterprétée par Gilbert Ponté dans une mise en scène de Stéphane Aucante.
Dans un décor plus que sobre, avec précisément, quelques valises en cuir datant des années soixante suspendues pour certaines et d'autres posées à même le sol, Gilbert Ponté nous fait voyager à travers sa propre immigration. Dans les années 60, l'Italie est ravagée par la faim et le manque d'argent. Les Italiens fuient leur pays dans l'espoir de trouver une vie meilleure, n'importe où mais pas ici.
Giacomo, lui, n'est encore qu'un enfant. Luigi et Maria, ses parents décident de trouver refuge en France. C'est le début d'un long et pénible voyage en train vétuste et surchargé à travers l'Europe. La pression est forte, les clandestins sont recherchés et traqués activement. La pression, l'angoisse envahissent tous les immigrés.
Giacomo nous la fait partager avec son regard d'enfant. Le train pour lui c'est merveilleux, fantastique, incroyable, ça en devient même un jeu. Les yeux écarquillés devant sa fenêtre, il scrute les paysages jusqu'à la nuit tombée. Entre temps, un douanier suisse vient inspecter chaque comportement afin de dénicher les sans papiers. Les adultes sont effrayés à l'idée de les rencontrer. Giacomo, lui les perçoit plus comme des extra-terrestres. Il faut dire qu'il a mal vécu une bonne partie du trajet en vomissant sans relâche sur les gens qu'il croisait sur son passage jusqu'à son arrivée aux toilettes.
Ce premier périple en train n'étant que les prémices d'un bouleversant changement de vie. Puisque par la suite il devra s'acclimater à la cité ouvrière où son père, maçon de formation, travaille ainsi que sa mère en tant que femme de ménage pour les riches. Il y rencontrera entre autres ses premiers meilleurs amis Jesus, Evio et Boubaker ainsi que des voisins tels que Mr Ferracioli, l'anarchiste, et bien d'autres encore...
Grâce aux regards enfantins de Giacomo sur ces bouleversements de la vie, qui auraient pu être dramatiques, ils deviennent héroïques et hilarants à la fois. Tout au long de la pièce, Gilbert Ponté nous fait passer du rire au larme sans aucune difficulté. Il nous livre une performance hors norme.
Il interprète tous les rôles : de Maria, la mama italienne, à Iboun, le seul noir de la cité ouvrière dans laquelle la famille de Giacomo s'installera dès son arrivée, en passant par Rocco, le chaud macho complètement parano. D'un naturel à en perdre les pédales, Gilbert Ponté change en un dixième de seconde d'un personnage à l'autre. Incroyable !
A aucun moment nous nous sentons perdus, on les reconnaît tous. Pourtant, ils sont nombreux, près de 30 et tous très différents. A chaque fois qu'il revient sur l'un d'entre eux, on l'identifie de suite. On sait qui ils sont individuellement, leurs attitudes, leurs gestuelles, leurs mimiques et leurs intonations, il les connaît toutes sur le bout des doigts. Il ne fait donc aucune fausse note.
C'est en définitive une incroyable galerie de personnages à la fois amusants et attachants que nous livre Gilbert Ponté. Ils sont aussi extravagants que déjantés. Un vrai régal pour les zygomatiques. Gilbert Ponté à travers Giacomo propose avant tout un regard critique à la fois poétique, notamment par la portée des chansons aux accents méditerranéens, diffusées à des moments stratégiques de cette histoire, mais également politique, compte tenu de l'époque durant laquelle l'Italie est meurtrie et où la France, elle, découvre l'immigration de masse.
Toutes les questions qui émergent de cette pièce autobiographique sont toujours d'actualité comme le racisme ou l'émigration. En réalité, on s'aperçoit immédiatement que toutes ces attitudes sont omniprésentes dans nos sociétés dites "modernes" et ce depuis près de 50 ans...
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