Rugby oblige (à quoi ça tient, tout de même), scène presque confidentielle ce samedi soir à Venelles pour accueillir Mell, lorraine de coeur, d'humour et de rime (c'est elle qui le dit) et nouvelle égérie du label Mon Slip ! - vous savez, celui de Christian Olivier, le chanteur des Têtes Raides ? D'ailleurs, on vous le dit tout de suite : Mon Slip ! vient de publier le troisième album de Mell, C'est quand qu'on rigole ? avec à la réalisation, justement, le sieur Christian Olivier.
C'est bien beau, tout ça, mais Mell, c'est qui, c'est quoi ? toute révérence gardée, Mell, ce serait ce que la France du camembert aurait de plus proche d'une Polly Jean Harvey ou d'une Shannon Wright.
Du blues et du terroir, tout avec les tripes, mais parfois aussi d'autres abats : coeur, poumons, langue, foie ; voire même un peu de cervelle. Tout en force et en fragilité. Mais no hollywood inside, en aucun cas. Ici, le romantisme sent bon le quotidien, quelque chose comme les amours d'une Ginette et d'un Gino. La vie, la vraie, comme d'autres s'en réclament.
Zéro pointé au glamouroscope, Mell est brut de décoiffage, toute fraiche décoffrée, du haut de son quart de siècle à peu près - ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas là-dedans une bonne grosse dose de poésie. Seulement... la poésie doit-elle nécessairement être sinistre ? "On ne lave pas la poésie, un poète ça pue des pieds", clamait Léo. Toute mimi qu'elle est dans sa robe et ses souliers qui lui donnent un vrai-faux air de Marion Cotillard en môme Piaf voletant dans les rues du pauvre Paris, Mell sent bien la poésie, à plein nez.
C'est quand qu'on rigole ? interroge drôlement le troisième album de la drôlesse. La réponse en son et image, sur scène. La chanteuse ne manque pas d'humour, ses chansons et son spectacle non plus.
En duo ce soir-là avec son seul trompettiste (mis à part une brève apparition de son saxophoniste, égaré là plus ou moins par hasard avec son instrument), avec le plaisir évident de se trouver sur scène et un véritable sens du contact avec le public, Mell s'amuse à vaincre petit à petit la timidité du public, pour sa part ravi de se laisser prendre au jeu.
Alors Mell c'est : la vie, la jeunesse, la spontanéité, le réel et son quotidien, une farandole folle et sans boussole, des rimes (pauvres), un peu de swing et beaucoup de feeling, du feu, des larmes, pas d'armes, du jeu, des sourires, de l'amitié, la fête, ses misères, ses grandeurs, décadences, petitesses, tristesses... la vie, la vraie, on vous le disait.
Après un début de soirée comme celui-là, il fallait bien l'énergie des Grosses Papilles pour relever le défi.
Entre swing, rock, musette, slam, punk, électro... en bonne chanson française déjantée, volontiers gauloise d'ailleurs, le quatuor propose sur scène un spectacle total, à peine moins théâtral que musical, où, à côté de la guitare, de la batterie, de la contrebasse et de l'accordéon, se bousculent rôles, costumes, lumières, accords et syncopes, textes poétiques, mimes et poses, clowneries, sampling, refrains et incantations...
Faussement brouillon mais bazar véritable, leur show tout en énergie fini ce soir-là de renverser un public déjà bien secoué par la prestation de Mell, emportant la réserve des plus sérieux dans le sillage de sa folie.
Une prestation aussi foisonnante que réjouissante, tout à fait dans le prolongement de l'ouverture du dernier album (Dans la langue, janvier 2007, Productions Spéciales), qui avait vu les Grosses Papilles exploser et s'enrichir de nouvelles couleurs, à commencer par des guitares électriques.
Sur la scène comme dans la salle où ils descendent volontiers, les Grosses Papilles font grosse impression. C'est que leurs compositions, déjà très riches et très écrites (jetez une oreille attentive sur "Je sexy", ludique petit bijou d'écriture), savent se (re)mettre en scène avec autant d'ardeur que d'autodérision, pour mieux se laisser (re)découvrir. |