Comédie dramatique de Thierry Debroux, mise en scène de Frédéric Dussenne, avec Julien Roy, Alexandre Tissot et Benoit Van Dorslaer.
Il est de ces pièces qui déploient avec elles une ambiance particulière qui nous transporte. "Le Roi Lune" en fait partie. L’histoire de Louis II de Bavière, ce roi qu’on diagnostiqua fou nous emmène bien au-delà de ce qu’on aurait pu s’imaginer.
C’est une soirée en compagnie de son mignon et de son ministre à laquelle il nous convie, nous plongeant à cette occasion dans les méandres de son esprit brillant et torturé.
Alors qu’il vient d’apprendre la mort de Richard Wagner, il cherche à lui redonner vie et met en scène un procès contre sa propre personne, jouant lui-même le rôle de l’accusation et en conviant son ministre qu’il exècre à y participer. Si le voyage fonctionne à merveille et captive autant, c’est parce qu’il est porté par trois comédiens magnifiques et servi par un texte admirable de Thierry Debroux (Prix littéraire 2006 du Parlement de la Communauté française).
Julien Roy est Louis II de Bavière, ce roi complexe, bien loin des préoccupations militaires. Il diffuse son engouement, sa douleur, sa passion avec infiniment de subtilité.
Se désintéressant de plus en plus des affaires de l’Etat, Louis II fit construire des châteaux magnifiques (Neuschwanstein, Herrenchiemsee), guidé par son besoin vital de beauté et de perfection. Interné, il sera mystérieusement retrouvé noyé avec son médecin dans un lac. Son incommensurable admiration pour Wagner, ses accès passionnels et pulsionnels sont rendus sur scène de sublime manière par cet acteur habité. Benoît Van Dorslaer et Alexandre Tissot participent à l’élaboration de cet être : un trio parfait pour raconter un homme.
Au-delà du jeu, de l’indéniable qualité de la langue et des subtilités humoristiques qu’elle recèle, c’est aussi deux visions qui s’affrontent : d’un côté, celle du roi, fou peut- être, mais féru d’art, un romantique, incompris donc intolérant De l’autre, celle de son ministre : pragmatique, sans passion si ce n’est celle de la pratique du pouvoir et de l’exercice des fonctions.
Ponctué par des séquences musicales pleines de mélancolie, "Le Roi Lune" nous emmène aux frontières du songe et de la rêverie sans autre scénographie que les corps de ces personnages et l’intensité de leur jeu. |