2007, place au design. Après le Victoria and Albert Museum qui explorait avec "Surreal things : Surrealism & design" l’influence du surréalisme sur les arts décoratifs au sens large du terme, voici "Design contre design" au Grand Palais.
Sous le commissariat de Jean-Louis Gaillemin, historien d’art et enseignant universitaire, cette exposition répond à une problématique originale.
En effet, elle se présente non pas comme une rétrospective chronologique, exhaustive et didactique, mais comme une histoire réflexive sur deux siècles de création qui se déroule comme un jeu de piste, ou un jeu de sept familles pour distinguer l'oeuf de la poule, ludique et cependant érudit, à la portée de tout visiteur.
Avec cartouches circulaires, ambiances musicales et citations murales, la scénographie, confiée judicieusement à Hubert Le Gall, lui-même plasticien-designer créateur d’objets, affiche clairement… la ligne et la couleur.
Elle scande un véritable voyage implicite dans l’histoire des arts décoratifs, de la rigueur des avant-gardes viennoises au cocooning régressif contemporain, mais aussi de l'histoire de l'art dans la mesure où les premiers sont souvent liés aux mouvements artistiques.
Double réussite donc pour cette exposition impliquant également un choix drastique qui laisse deviner des sensibilités de prédilection, qui correspond au demeurant au triumvirat contemporain France-Italie-Hollande, avec une belle part faite au jeune design hollandais.
Et, bien qu'organisée de manière thématique, elle procède à des appariements qui ouvrent une grille de lecture à entrées multiples.
Au début était la ligne, puis vint la forme

La ligne droite rythme la création de la rigueur géométrique des avant gardes viennoises, avec Koloman Moser et Josef Hoffmann, au minimalisme du Bauhaus avec Marcel Breuer.
La ligne se courbe avec la stylisation végétaliste de l'art nouveau dont on retrouve des constantes jusqu'à devenir primordiale pour créer la forme qui exclut tout angle droit au profit de la rondeur.
Avec Paul Henningsen, André Dubreuil, Ron Arad et Lothar Windels explorent les qualités intrinsèques des matériaux : le mou devient dur et le dur se ploie comme un roseau.
Des arts primitifs aux nouveaux barbares
Les arts primitifs inspirent les "nouveaux barbares" qui de Edward William Godwin et Pierre Legrain à Elisabeth Garouste et Mattia Bonetti en passant par Giacometti prônent le retour aux sources par la forme et la matière basiques qui aujourd'hui alimentent la vague "etnik".
Le futurisme ne désarme pas
A l'opposé, les futuristes intègrent le mobilier dans l'environnement urbain qui imprime son esthétique (Gaetano Pesce, Ettore Sottsass, Shiro Kuramata).
Droites et courbes se réconcilient au gré des inspirations puisées dans l'architecture.
Les déclinaisons contemporaines revisitent les styles d'hier pour faire du neuf avec du vieux
Du nouveau réalisme à l’art de la récupération et du détournement
L'influence du nouveau réalisme, qui prône l'exaltation des possibilités expressives de l'objet, perdure depuis les années 60 avec la "Sella" des frères Castiglioni.
Depuis, sont nées la chaise caddy d’Olivier Mourgue, la commode tiroirs de Rémy Tejo et la "Banquete" peluches des frères Campana en 2003.
Le néo classicisme, du neuf avec du vieux.

La feuille d'acanthe (le radiateur "Heatwave" de Joris Laarman), la pampille vénitienne (le lustre "Zenith" de Philippe Starck), le latté (la table "Cinderella" de Jeroen Verhoeven) et le cuir capitonné ("Pools & Pouf!" de Robert Stadler) retrouvent droit de cité dans les intérieurs contemporains.
Les métissages : l'imaginaire du surréalisme et l'hyper réalisme du pop art 
Les surréalistes, précurseurs du glamour kitsch et du new fetish, ont également investi le champ des arts décoratifs.
Le siège "Témoin" de Man Ray et Marcel Duchamp voisine avec "Il piede" de Gaetano Pesce et la "Bocca" de Bertrand Lavier.
Si la filiation est évidente avec le en biomorphisme, et par exemple les meubles animaux de François-Xavier Lalanne, le télescopage avec le pop art va trouver diverses déclinaisons.
Comme celle avec le végétal et l'animal (ici le porte manteau "Cactus" de Guido Drocco et Franco
Mello, la chaise "Eléphant" de Bernard Rancillac ou le siège gazon du Gruppo Strum).
Mais aussi celle de l’anthropomorphisme et des concrétions humaines.
L'objet devient le prolongement ou l'émanation du corps sujet de tous les fantasmes.
Et dès 1970, le visionnaire "Phantasy Landscape" créé par Verner Panton préfigure la génération adulescente qui aspire au cocooning et à la régression vers la bulle fusionnelle.
Le point d’orgue est atteint avec la "Womb house" de l’atelier Van Lieshout, déclinaison organique des univers cellulaires déjà esquissés par Charlotte Perriand ou Joe Colombo.
...et bien d'autres d'approches laissées à l'appréciation de chaque visiteur !
A noter également un catalogue thésaurus originalement conçu quasiment non dispensable. |