Lorsque l’on reçoit le premier album de Jean Racine et que l’on apprend à la lecture de la bio qui l’accompagne que le réalisateur de cet opus est Henry Hirsch, producteur de Lenny Kravitz et Vanessa Paradis, on peut s’autoriser à penser que ce disque que l’on tient entre les mains doit receler quelques petites merveilles qui pourraient être bientôt vouées au succès.
Et pourtant une fois ses douze pistes écoulées plusieurs fois sur notre chaîne, c’est un sentiment en demi-teinte qui perdure.
Pourtant le garçon semble charmant et on se laisserait volontiers attendrir par sa singulière histoire. D’abord, parce qu’il se voit affublé d’un nom peu commun, un patronyme qui défend l’idée de la culture au sens noble du terme puisque ses parents l’ont choisi en hommage au poète tragique du XVIIème siècle.
Ensuite, parce que le récit de sa vie verse dans le pittoresque. Le jeune homme est né au Sénégal où il a aussi passé enfance et adolescence. A 10 ans, précoce !, il connaît ses premiers éblouissements musicaux : Bob Marley, mais aussi Cat Stevens, Lou Reed, Roxette, Tracy Chapman vont alors faire partie intégrante de son monde. Quand il débarque à Paris à 21 ans pour poursuivre ses études, l’appel du chant ne le quitte plus. Une rencontre avec un chanteur de rue qu’il accompagne un soir sur le parvis de Notre Dame lui apparaît comme un signe du destin : "désormais [il] sait".
Les voies magiques du net font alors le reste : le label Roy Music l’y repère et le prend sous son aile. La suite vous la connaissez, c’est l’enregistrement de ce premier album sous la houlette d’Henry Hirsch …
Un album dont on ne reniera d’ailleurs pas la production. Et pas forcément non plus l’architecture sonore. Le genre est difficilement classifiable, telle une recette de gâteau un peu exotique où se mêleraient un verre de folk, une cuillère à soupe de pop, un bouchon de reggae, une pincée de funk.
Le tout pourrait aboutir à une espèce de soupe immangeable, mais cela concourt plutôt à créer un fil mélodique bien visible et assez harmonieux, bien qu’un peu trop simpliste sur certains titres (les refrains à coups de peu inventifs "padam padadam" ou "chalalalalalala" de "Faisons l’amour" et "Ivre du son"). Mais simplistes, c’est surtout ce que l’on pourrait reprocher aux textes, les rimes sont un peu faciles, parfois mièvres :
"sans que j’imprime son visage / le bonheur m’a déjà tourné le dos
il m’en faut du courage / le malheur en veut toujours à ma peau",
Le Jean Racine chanteur n’a apparemment pas hérité de la plume du poète auquel il doit son nom. Ses thèmes de prédilection sont, comme la plupart de ses congénères et c’est pourquoi on ne le pointera pas du doigt là-dessus, l’amour, le bonheur, ses origines, les difficultés de la vie. Mais il aurait quand même pu creuser un peu plus en profondeur ses sujets, nous épargner les refrains en bis repetita à base de "je suis seul, je n’suis plus aimé" ou "je suis fou de toi, je suis fou de toi".
On préfère du coup quand il entonne trois titres en anglais et le dernier, "African Motown", nous ferait presque oublier les reproches précédemment formulés. Après, l’oreille ne pourra rester indifférente à la voix. Jean Racine est doté d’un organe bien particulier, un peu androgyne, parfois presque chevrotant, le genre de voix à laquelle on adhère spontanément … ou pas du tout. Mais il s’agit davantage là d’une affaire de goût personnel qui sera laissée à l’appréciation de chacun.
Si on ne criera donc pas au chef d’œuvre à l’écoute de ce premier album, on lui reconnaîtra néanmoins le don des mélodies accrocheuses. Le genre de celles que l’on se surprend à fredonner tout en dodelinant de la tête avec un demi-sourire et en se prenant à rêver de soleil et de sable fin. |