Drame épique d'Henry Bauchau, mise en scène de Benoit Weiler, avec Lorenzo Baitelli, Alexandre Barbe, Thomas Blanchet, Sarkaw Gorani, Delphine Haber, Laurent Letellier, Michael Maïno, Bertrand Nadler, Marta Terzi, Régis Vallee et les musiciens Geoffrey Dugas et Vincent Martial.
Point de méprise pour "Gengis Khan", "une épopée pleine de bruit, de fureur et d'humanité" en costumes et en musique présenté sous forme de tableaux sur la scène du Théâtre 13. "Gengis Khan" n'est pas ni une comédie musicale ni une opérette. Car Henry Bauchau n'est ni Roger Louret ni Francis Lopez.
Juriste de formation, poète, romancier, dramaturge et psychanalyste, Henry Bauchau explore les grands mythes de l'humanité avec comme préoccupation constante, et quasi monomaniaque, de trouver l'Homme, notamment face à l'altérité.
Pièce aux résonances multiples, "Gengis Khan" retrace l'épopée du descendant de la royauté mongole tombée sous les coups de leurs ennemis jurés, les Tatars qui étaient alliés au roi d'Or régnant sur la Chine du Nord, qui va, mué par un besoin inextinguible de venger cette humiliation par la violence, va fonder une nation et constituer un des plus grands empires de l'Histoire.
Mais aussi le destin d'un homme, vu sous l'angle du thème prométhéen, victime qui devient bourreau, aux prises avec une problématique triangulaire entre la loi de la violence,
la loi du pardon et la loi de l'amour. Une thématique qui, comme la pérennité de la nature humaine, relève de l'intemporalité et connait des manifestations contemporaines.
La mise en scène de Benoit Weller, avec la collaboration d'Eric Pellet, universitaire enseignant la linguistique et la littérature du 20ème siècle, donne tout son épanouissement dramaturgique au texte d'Henry Bauchau qui, dans la narration d'une épopée historique extraordinaire portée par une admirable langue poétique, dont ils se sont appropriés le sens et le rythme, traite d’un questionnement éthique.
Et l'univers crée par les projections vidéos et la musique, les calligraphies et la gestuelle des personnages, entraîne le spectateur dans les steppes mongoles, où tout est vent et sable, sous le galop des chevaux, le sable sur lequel s’écrit l’Histoire sans cesse recommencée, le sable qui recouvre la trace du pas du cheval et inscrit le mythe de l'Homme.
L’unité de jeu de tous les comédiens, dont la plupart interprètent plusieurs rôles, porte le spectacle. Pour les figures principales, Laurent Letellier incarne merveilleusement bien la dualité de Gengis Khan, représentant la loi de la violence, entre l’épique et l’intime, homme et héros, vaincu et vainqueur, brave et fragile notamment face à son ami, son Autre, Thomas Blanchet, excellent, et aux côtés de Delphine Haber et Michael Maïno qui assurent avec sensibilité leur partition.
Le résultat : un remarquable travail pour un spectacle qui a été manifestement pensé et construit jusqu'au plus infime détail pour concourir à la signifiance du texte, de manière symbiotique, évitant toute redondance, et sans jamais céder à la tentation du pittoresque, par la création d'une esthétique à la fois épurée et riche, des singuliers et merveilleux costumes confectionnés par Dominique Lallau et Hervé Rozelot à l'envoûtante création musicale de Geoffrey Dugas et Vincent Martial basée sur les sonorités et les rythmes primitifs.
Même sous peine d'analogie avec la litanie des remerciements remise des césars, il faudrait vraiment citer tous ceux qui, hors de la scène, ont participé à cette réussite qui ressortit incontestablement d'une création collective, celle de Compagnie de l'Estrade. |