A la Maison Européenne de la Photographie, Martin d'Orgeval présente avec "Réquisitoire" des photos "interpellantes" non pas tant par leur qualité plastique, s'agissant de photographie documentaire en noir et blanc, ou leur sujet, des photographies presque grandeur nature de lames de parquet comportant un texte gravé, un texte en français à la graphie rappelant l'écriture cunéiforme.
Mais par les circonstances dans lesquelles ce texte a été écrit, par la personnalité de son auteur et surtout les origines et de la finalité de sa mostration qui relance au moins deux débats : celui de rapport de l'art et de la folie, avec le concept d'art brut et celui du champ d'intervention de la psychiatrie par rapport aux préceptes de santé mentale et la portée de ceux-ci sur la liberté individuelle.
En effet, ce plancher, dit "plancher de Jean", a été distrait d'une chambre dans laquelle est mort d'inanition, dans les années 70, un homme qui a vécu en marge de la société, comportement considéré de "syndrome de Diogène".
Quand au texte, il s'agit d'un texte de profération, à la syntaxe singulière, qui revendique l'innocence primitive face à la dénonciation d'un complot orchestré notamment par l'Eglise visant à l'asservissement et à la destruction. Voilà pour le résumé objectif.
Ce plancher acheté avec la maison par un psychiatre retraité, amateur d'art brut, a été ensuite revendu à un laboratoire pharmaceutique américain.
Ledit laboratoire, qui a pour slogan publicitaire "Prolonger et embellir la vie", présente ce plancher comme une œuvre d'"une expression saisissante de la pathologie psychotique" qui "témoigne de la souffrance et de la désinsertion sociale d'un malade vraisemblablement schizophrène" qu'il faut soigner au nom de la souffrance et de la détresse "parce qu'un malade psychotique est avant tout un citoyen et aussi un malade comme les autres" et en fait son fer de lance de la stratégie thérapeuthique.
Considéré comme un chef d'oeuvre d'art brut, ce plancher a été à ce titre maintes fois exposé et a regagné la collection d'art asilaire du Centre hospitalier de Sainte Anne qui l'érige en emblème pour son opération "chute des murs".
Alors à chacun d'y aller de son interprétation : témoignage de folie, œuvre christique, testament, condamnation de la société… |