Le rock'n roll est une musique à part, un truc de dingue, d'éternel
adolescent où le look, l'attitude, la spontanéité prennent
part à la même hauteur que la musique à la réussite
d'une prestation live. La preuve par trois plus bas.
A part ça, comme chaque année à la même époque,
le festival des Inrocks ressert le couvert pour quelques soirées de novembre
de moins en moins mémorables. La preuve par trois ci-dessous.
8 novembre 2003, La Cigale, Paris
Lâchement abandonné par Orange au profit de Levi's - et son affiche
sous influence Pantashop (Loopkin(tm)) - avec une très nette orientation
rock, cette édition 2003 du festival des Inrocks débute véritablement
ce 8 novembre à la Cigale. Salle logiquement comble (inutile de mentionner
à ce stade l'intérêt de cette précision) pour un
show où doivent se produire en tête d'affiche, les auteurs des
deux disques pop-rock les plus excitants de l'hiver - ie Warlocks et Coral -.
Entrée en matière réussie avec Stellastarr,
nouvelle formation fraîchement débarquée de New-York, aux
oreilles incontestablement irradiées par les disques de Talking Heads
et XTC quelques années auparavant. On pourra toujours déplorer
certaines erreurs de jeunesse, mais comme le faisait judicieusement remarquer
Froggy : "C'est toujours mieux que les Strokes d'aujourd'hui ...".
A suivre donc.
Il n'est que 19h et l'affaire commence à se compliquer avec The
Sleepy Jackson en provenance des antipodes comme l'indique le livret
gentiment distribué à l'entrée. Un disque paraît-il
intéressant, épisodiquement de très bonnes idées
mais pourtant au final une prestation ratée. La raison ? Une question
d'attitude.
Entre un jeu de scène complètement surfait, l'arrogance inappropriée
du chanteur-guitariste, le tout sans parler du pot de fleur aphone et sa bouteille
de vin à la main sur la gauche de la scène, tout juste bon à
taper du pied par terre, nos australiens s'avèrent franchement insupportables
et finissent par gonfler même les meilleures volontés.
Martina Topley-Bird tombe ensuite comme un cheveu sur la soupe
en prévisible erreur de casting. Cependant très réussie,
la pop jazzy de l'ex choriste de Tricky n'empêche pas son auditoire
de sombrer inexorablement dans un doux sommeil que seul "Lucifer Sam"
et quelques pépites 60's (Electric Prunes, Seeds ...)
viendront interrompre.
Arrivé à se stade, les choses sérieuses peuvent enfin
commencer avec tout d'abord des Warlocks attendus dans nos
contrées depuis (presque) quelques années. Accédant enfin
à une reconnaissance plus large via leur dernier opus Phoenix
, le groupe de Bobby Hecksher a su reprendre le flambeau de
la face sombre des Dandy Warhols ou Brian Jonestown Massacre,
à mi-chemin entre délires psychédéliques et rock
calibré.
Deux batteurs, trois guitares, une basse et un clavier, le groupe se met doucement
en place sur "Hurricane Heart Attack" . Avec pareil déploiement
de matériel, le son ne pouvait qu'être énorme, écrasant,
envoûtant même s'il s'avère parfois mauvais (bouillie sonore
d'où émerge avec peine la voix du leader).
Pourtant la touche magique (il faut en effet admettre que le niveau a été
atteint) est en réalité apportée par l'extra-musical qui
devient ici prépondérant : Bobby Hecksher, genoux cagneux, guitare
haut portée, balancements à la Lennon des débuts
focalisant irrémédiablement l'attention. Jeu de scène également
tout en retenue des autres membres du groupe, éclairages d'ambiances
à la BRMC (ou plutôt l'inverse en fait), chaque détail
est soigné, y compris la classe avec laquelle un spectateur sera boxé
du bout de la Gibson après deux traversées successives de la scène
devant les musiciens. Encore une fois, tout est une question d'attitude.
Chapeau donc aux Inrocks, même si on peut déplorer cette trop
courte demie heure contre près de cinquante interminables minutes octroyées
aux faiblards Sleepy Jackson.
A peine moins excitante était sur le papier la suite avec The
Coral, dont le Magic & Medicine s'avère
un peu plus à chaque écoute comme un bijou de pop psychédélique.
Le millier de spectateurs retient sa respiration pour ce qui doit enfin être
la consécration du groupe dans la capitale française après
une annulation l'an passé.
Pourtant rien de cela n'arrivera, l'avènement étant une nouvelle
fois repoussé. Une prestation complètement incompréhensible,
limite inintéressante. En effet, nos sept (décidément le
chiffre de la soirée) lascars se contentent de passer leur répertoire
à la moulinette, peu problématique pour les extraits du premier
album mais beaucoup plus pour ceux du dernier opus, leur faisant au passage
perdre toute grâce.
Pour couronner le tout, la présence scénique de nos gentils garçons,
fringués comme des ploucs est tout bonnement inexistante, se transformant
du même coup en un vulgaire pop à l'anglaise juste un peu meilleur
que la moyenne. Une revanche est attendue de pied ferme.
9 novembre 2003, La Cigale, Paris
Décevant taux de remplissage pour l'affiche furieusement rock'n roll
de cette dernière soirée de la semaine, qui plus est mal amorcée
avec l'annulation de la première apparition française des Black
Keys, duo guitare-batterie des plus prometteurs.
Le premier groupe à prendre la Cigale d'assaut s'appelle My
Morning Jacket et déjà les mauvais souvenirs de la veille
reviennent à l'esprit. Les prestations semblent se suivrent et se ressemblent
car une fois encore l'échec vient de l'attitude et non du répertoire
joué (quoique ...).
Arborant un look digne des heures glorieuses du métal FM années
80 (headbanguage de crinière et tout ...), nos natifs du Kentucky s'adonnent
à un rock assez infâme ne retenant des années 70 que ce
que 1977 avait tenté de balayer (riffs grassouillets, guitare chantilly
et tout ...). Nos cinq américains ne reculent devant rien, allant même
jusqu'à resservir un infâme solo de batterie vers la fin du show,
tous projecteurs braqués sur elle.
Heureusement tout rentre dans l'ordre avec l'arrivée des Bellrays,
en pleine tournée française, la deuxième après celle
du début de l'année. Rien à redire sur la prestation des
californiens, toujours d'une incroyable efficacité, Lisa Kekaula
en tête, mêlant habillement riffs à la MC5 et puissance
de feu vocale à la Tina Turner.
Pour la sortie prochaine de leur nouvelle livraison "The Red, White
And Black" , le groupe laisse quelque peu de côté le
répertoire immortalisé sur la compilation "Meet The Bellrays"
sortie voilà quelques mois.
Déjà entraperçu l'été dernier à Benicassim,
c'est au tour des Raveonettes, en provenance du Danemark de
prendre possession de la Cigale. Sur scène le duo composé de Sharin
Foo et Sune Rose Wagner double de taille avec un autre
guitariste ainsi que d'un batteur.
Visuellement très classe, musicalement sous influence Jesus &
Mary Chain, les Raveonettes répandent leur ambiance sublimement
malsaine sur la Cigale. Concert sympathique, quoique tous les morceaux se ressemblent
étrangement, néanmoins plombé par la traditionnelle (mais
toujours inutile) simulation de destruction de matériel : on se couche
par terre, on frotte les cordes, on fait du bruit, tout cela reste bien inoffensif
- "Smash your guitar Pete !!", au moins certains avaient les couilles
de le faire -, puis miné par l'ennui, on quitte la scène comme
un prince, un brin pathétique quand tout n'est que façade.
Après quelques minutes d'attente, c'est au tour de la grande inconnue
de la soirée, Hot Hot Heat, de débuter son set,
laissant apparaître après l'ouverture du rideau, un clavier au
beau milieu de la scène. Même si assez contestable musicalement,
la mayonnaise prend immédiatement, en grande partie d'un frontman survolté,
rappelant s'il était nécessaire ce week-end, la simple évidence
du rock'n roll. Une meilleure organisation de la setlist aurait pu éviter
le traditionnel creux de milieu de prestation mais le chanteur en provenance
de Vancouver ne s'épuise pas, descendant dans la fosse pour y perdre
son micro tel Iggy en son temps avant de clôturer sur le tubuesque
"Bandages" .
Au final, les gosses de Hot Hot Heat n'ont pas donné le meilleur concert
mais leur rafraîchissante prestation fera incontestablement d'eux les
rois de cette soirée.
10 novembre 2003, L'Olympia,
Paris
Suite à quelques aléas de programmation - annulation des Kings
Of Leon et déplacement des Bellrays la veille
-, on se retrouve presque par inadvertance avec un billet pour une dernière
soirée a priori peu passionnante, si ce n'est pour la quatrième
venue de l'année à Paris des Kills. Le public ne s'y est évidemment
pas trompé ce dont témoigne le nombre de fauteuils rouges restés
inoccupés ainsi que le large espace vital entre les spectateurs en bas.
Début de soirée très difficile avec Buck 65,
qui fatiguera, agacera pendant trop longtemps son monde autant avec ses infâmes
vocalises qu'avec ses anecdotes dont tout le monde se tamponne le coquillard
"j'étais ici l'an dernier pour le concert de David Lynch".
Assez incompréhensible fut ensuite la présence de La
Rumeur, intéressante deux minutes avant de finir par lasser.
On se console en pensant que l'on aurait pu subir Svinkels durant la
même durée.
En pleine phase d'imploration des dieux du rock, le duo anglo-américain
Hotel et VV fait son apparition. Mis en lumière
grâce à deux projecteurs braqués sur eux, matériel
réduit au minimum très en avant de la scène, les Kills,
complètement survoltés, vont sauver la soirée en donnant
une prestation de très haute volée.
Malgré une playlist quasi-identique à celle de la Cigale en juin,
le spectacle des londoniens fonctionne à plein régime mêlant
extraits classieux de leur album - "Superstition" et "Cat
Claw" en tête -, affrontement sexuel et tension omniprésente.
Le clou revenant sans conteste au final époustouflant voyant Hotel, triturer
sa guitare, la frapper à terre pendant que VV arpente la scène
de long en large comme une possédée (comme quoi la mise en miette
du matériel (ou pas d'ailleurs) n'est pas obligatoire pour bien réussir
sa sortie).
Originaire du Canada, nation ayant mine de rien apportée Neil Young,
Lenoard Cohen, Joni Mitchell ou encore The Band,
Hawsley Workman est il faut bien l'avouer tout sauf
dans la lignée de ses glorieux héritiers. S'il fallait le raccrocher
à quelqu'un, le choix se porterait incontestablement sur Jeff Buckley
tant la voix et l'aisance à la 6-cordes rappellent le fils de Tim.
Même avec des bases techniques similaires (pourtant gage d'une certaine
qualité), Hawsley Workman s'avère insupportable entre
hurlements, démonstrations pathétiques sur le manche et surtout,
surtout compositions d'une faiblesse rarement atteinte.
Pire encore ce concert ne s'apparente même pas à un vrai concert,
Hawsley Workman s'essayant au piano, à la batterie avant de retraverser
la scène à grande enjambées en jouant le titre suivant.
On imagine Bruno Coquatrix se retournant dans sa tombe voyant la scène
de son théâtre envahi par ces sombres hurluberlus à peine
plus recommandables que Linda Lemay et affiliés.
Pourri à l'extrême, won't get fooled again ! |