Un réveil en sursaut au beau milieu de la nuit, des images qui s'entrechoquent
: un souvenir persistant dont on n'arrive à se détacher, celui
d'un concert époustouflant sur une péniche quelques heures plus
tôt, un gamin génial au T-shirt mauve usé derrière
son micro ... était ce réel ? ou serait ce plutôt une vision
complètement surréaliste du set parfait auquel chacun espère
assister ?
Quelques heures plus tôt, nos vies furent changées à jamais
par un spectacle incroyable, donné par le new-yorkais le plus hype (aucun
des membres des Rapture) et le plus excitant du moment (ni encore moins
Julian Casablancas) : Jeffrey Lewis.
Entre la fascinante interview
accordée à Froggy Delight et le début du concert, il
aura tout de même fallu endurer et survivre à Chut !, gentil groupe
français complètement hors sujet (et surtout hors jeu).
Chaque performance se doit d'être une expérience unique ce à
quoi Jeffrey Lewis s'attache comme une ligne directrice, parfois malgré
lui. Toujours accompagné par son frère Jack à
la basse et Anders Griffen à la batterie, Jeff débute
par un long morceau complètement hypnotique porté par sa voix
monocorde à la fin duquel une corde cède sous les assauts répétés
du médiator ; les textes ultra politisés de ses aînés
hippies ayant laissé place à une géniale peinture rase
moquette de la vie des freaks à New-York.
Jeffrey n'ayant emmené dans son périple européen qu'une
seule six-cordes, il part réparer son instrument bardé d'autocollants
à l'arrière de la scène. Histoire de meubler, Jack Lewis
commence, bientôt suivi par le batteur, à improviser, poussant
le jeu jusqu'à chanter avant que Jeffrey ne les rejoigne pour achever
le travail portés par les hurlements de son frère : un fabuleux
début de show tenant plus du happening que d'une quelconque autre forme
de spectacle. La suite immédiate sera ponctuée par deux superbes titres acoustiques
dont "Don't Let The Record Label Take You Out To Lunch" avant
que le même problème instrumental ne se reproduise avec une conclusion
similaire, en un poil moins réussi toutefois. Les trouvailles sont à
ramasser à la pelle, le clou revevant à ses fameuses vidéos
durant lesquelles Jeffrey chante a capella tout en feuilletant, debout à
l'endroit le plus élevé de la scène, un cahier illustrant
avec soin les paroles ("I Saw A Hippie Girl On 8th Ave"),
comme si la musique n'était qu'un véhicule de son talent de dessinateur
avant un "Back When I Was 4" des plus jouissifs.
Même si jusqu'ici très folk, la musique du new-yorkais peut également
se faire punk, tirant de sa guitare sèche des sons incroyablement crades,
"The Last Time I Did Acid I Went Insane" avant une épique
version de "No LSD Tonight" pour le passage le plus marquant
du set, encore une fois clôturé par un cassage de corde suite à
un frottement sur son ampli.
Après une heure, visiblement usé par un show d'une longueur inhabituelle,
il se met en quête auprès du public d'une idée pour la suite
: chanson en solo, avec le groupe, titre de Jack ou video avant d'opter pour
"Sea Song" extraite de son dernier né "It's
The Ones Who've Cracked That The Light Shines Through". Les derniers instants furent parmi les plus incroyables avec deux ultimes vidéos
devant une centaine de personnes complètement acquises à sa cause
: Antifolk rules!
Il convient enfin de dire qu'après une telle commotion, tout autre spectacle
de la sorte semble d'une affligeante banalité. |