Le dernier concert où nous avions vus Patrick Duff,
leader du défunt groupe Strangelove, se déroulait au Divan du
monde. Aujourd’hui, cinq ans après, il nous donne rendez-vous à
la Nouvelle Java. Un rendez-vous sans grand renfort de publicité à
côté duquel ont dû passer bien des fidèles.
La Nouvelle Java est une horrible petite boîte dans un vétuste
quartier populaire dont les rues, au soleil couchant, sont rythmées par
les achats du ramadan. Une scène étroite à même le
sol, sans hauteur, au fond d’un long boyau transformé en piste
de danse parquetée avec, de chaque côté, de vilaines banquettes
de moleskine rougeâtre le long des murs aux décors de rues des
faubourgs. Et pourtant, c’est là que Patrick Duff se produira ce
soir accompagné d’Adrian Utley, le guitariste
de Portishead.
Dans cette salle sans backstage, Patrick Duff se promène sans pouvoir
s’isoler et c’est dans les toilettes que je le verrai, quelques
instants avant qu’il ne regagne la scène, se rafraîchissant
le visage, puis se regarder dans le miroir, passer ses mains sur le visage,
se regarder à nouveau fixement et sortir. Image volée…Ultime
moment…
Le set commence a cappella exercice ô combien périlleux, comme
pour se mettre en danger. Les voix se taisent et il chante. Et la magie opére.
Un set acoustique très émouvant et l'émotion ne venait
pas, contrairement à ce que l'on aurait pu redouter, d'une nostalgie
de Strangelove. Strangelove appartient bien désormais au passé.
Simplement l'émotion de le voir si mince, si fragile, accroché
à sa guitare, survivant rescapé de l'enfer, comme il le dit lui-même,
chantant des textes largement autobiographiques, de "DJ Yoga"
qui lui séduit la femme qu'il aime aux amis "Married with kids",
de la hantise du miroir reflet de l'âme "Mirror man",
proche de "Freak", au frigo bruyant "Refrigerator",
de dame nature "Early morning birds" au parking refuge de
"Junkie clothes" sur lequel il parvient à faire chanter
le public.
N'oublions pas l'accompagnement efficace d'Adrian Utley qui enrichit certains
morceaux et laisse entrevoir ce que donneraient les chansons avec plus d'instruments.
Réminiscences de Strangelove toutefois quand il chante une reprise de
"Sway", esquisse un saut sur les retours ou quand, sur la
très belle chanson consacrée à Thom Yorke, il quitte la
scène très lentement et avance vers le public. Le public s’écarte
légèrement, le laissant passer, il se mêle à son
auditoire dans le silence, seul sa voix, a capella à nouveau nous murmure
encore quelques mots.
Un moment de grâce…
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