Considéré à juste titre comme un des groupes les plus mythiques des sixties, Cream a, tout au long de sa courte existence, considérablement influé sur la musique de son époque : "Fresh Cream", parfaite synthèse du blues boom anglais jouée par la crème des musiciens anglais ; "Disraeli Gears" ou la découverte du blues psychédélique et enfin le fameux double album de légende ("Wheels Of Fire", 1968) annonçant la révolution heavy metal en devenir (il convient de laisser de côté le piètre posthume "Goodbye").
Le problème (en plus de la rivalité entre Jack Bruce et Ginger Baker) de Cream – et certainement celui qui causa sa perte – était l’existence, en son sein, de deux groupes : un pour le studio qui composait de petits hymnes pop faisant mouche dans les hit-parades et un autre qui montait sur scène pour étirer ses titres dans d’interminables improvisations nécessitant pour être goûtées d’être dans le même état que les musiciens, à savoir complètement fracassé.
Vaguement poussé par des aspirations bassement mercantiles ou désireux de combler les fans avides de versions inédites, Polydor, reprend, cette année, la traditionnelle recette des performances à la BBC, déjà testée avec succès avec Hendrix, les Who, Beatles ou Led Zeppelin. Enregistrées en huit fois entre novembre 1966 et janvier 1968, ces sessions se concentrent logiquement sur le répertoire des deux premiers disques dans des versions du même format qu’en studio mais suffisamment différentes pour présenter un intérêt.
Un double album aurait rassemblé l’intégralité de ces enregistrements, mais le compilateur a choisi de n’en garder que le meilleur en ajoutant quelques extraits d’interviews mais en laissant de côté leur premier passage où le "Spoonful" de Willie Dixon avait été joué. Hormis le premier single "Wrapping Paper", le début du disque fourmille de reprises toutes plus croustillantes les unes que les autres figurant sur le premier album ("Rollin’ And Tumblin’ ", "Cat’s Squirrel" et "I’m So Glad") à l’exception de "Crossroads" de Robert Johnson dont la version n’atteint malheureusement pas celle de "Wheels Of Fire" (celle de "Traintime" étant tout bonnement incomparable car égale au cinquième de sa durée).
Après une deuxième bribe d’interview du sieur Clapton, l’auditeur assiste à un bombardement en règle de simples – "I Feel Free", "N.S.U." et "Strange Brew" – dans des versions beaucoup plus rêches qu’en studio, mais tout aussi jouissives.
Vient ensuite "Tales Of Brave Ulysses", le meilleur titre de Clapton avec Cream et "We’re Going Wrong", tous deux tirés du fabuleux "Disraeli Gears".
La fin du disque reste encore sur ce disque ("Take It Back", "SWALBR" et évidemment "Sunshine Of Your Love") en donnant les orientations du suivant ("Politician" et la relecture du "Born Under A Bad Sign" d’Albert King) démontrant au passage les incontournables talents des musiciens et surtout l’alchimie magique se dégageant de leurs prestations.
Le doute n’est décidément plus permis, Jack Bruce est probablement le plus grand bassiste rock de tous les temps, Ginger Baker et Eric Clapton étant les meilleurs batteur et guitariste du monde…. respectivement derrière Keith Moon et Jimi Hendrix… on s’en doutait.
C’est bien simple, tout bon fan de Cream qui se respecte devra acheter
ce disque, incontestable tant sur le fond (la période bénite du
groupe avant qu’il ne tombe dans la grandiloquence) que sur la forme (des
versions tranchant radicalement avec les prises live déjà disponibles).