Si la programmation du Festival GéNéRiQ invite au voyage et au mélange des genres, les lieux choisis par les organisateurs soutiennent amplement cette pluralité. Il était donc naturel que le Théâtre du Granit à Belfort ouvre ses portes au public pour accueillir un patchwork musical de qualité, en trois actes ce soir.
La première pièce de choix vient de Strasbourg, en repérage avant de poser ses amplis cet été sur la scène des Eurocks. Un avant goût de ce que propose T, trio aérien emmené par Thomas Walter dont le troisième album est en gestation chez le label Herzfeld.
T emprunte au blues et au songwriting folk toute son essence pour distiller un rock léger et progressif, comme une mise en oreille rarement incisive qui rappelle parfois les envolées d’un Chris Réa dans ses grandes heures. Avec classe et volupté, T a traversé son set comme un mirage doux mielleux et une certaine retenue dans les mots trahit surtout l’immense plaisir de ces trois alsaciens à jouer sur ce plateau emblématique. Une affaire à suivre, discrète mais efficace.
Vous connaissiez Sophie Hunger ? Non ! Nous non plus. Mais le sentiment qui domine à l’issue de sa prestation est sans équivoque : celui d’avoir découvert une perle rare, touchante, sensible et juste. La jeune Zurichoise de 23 ans excelle dans au moins trois domaines : Le chant, puissant et plein d’émotion, la guitare, dont elle laisse s’échapper des effluves folk et le piano, intense, charmeur, religieux.
Sophie Hunger est exceptionnelle. Simplement.
Son apparence fragile et figée se libère progressivement, laissant éclater sa force de caractère, sa grâce volatile se mue en détermination et en évidente pureté.
Celle qui a sorti son premier album autoproduit en refusant d’y poser son nom parce que "c’était juste comme ça", prend possession de l’espace scénique tout en douceur jusqu’à en devenir bouleversante. Portée par ses musiciens, ses amis, Christian et Mickael à la flûte traversière et au trombone, Evelinn Trouble au chant, la « môme » surfe sur des vagues au parfum jazz, aux accents blues ou folk, laisse planer un air de flamenco avant de discuter avec le public, simplement, tout simplement humaine.
Dans un ultime sursaut elle reprend "Ne me quitte pas" de Brel, une interprétation décomplexée, tendue, un grain de voix qui achève de convaincre un théâtre médusé par ce talent inconnu qui ne le restera pas.
Sophie Hunger n’a pas tout d’une grande. Elle est une Grande.
Elle joue les 17 et 18 mars 2008 au Centre Culturel Suisse de Paris dans le troisième.
Annulez tout. Vendez tout. Invitez votre belle mère.
La cerise sur le gâteau déjà bien garni de cette soirée est franco-américain, débarque de sa roulotte un bric à brac de vide grenier et peaufine sa mise en scène avant de lever le rideau sur le troisième acte.
Moriarty est un groupe de cinq musiciens et une chanteuse. Mais pas seulement.
Moriarty pose un décor intemporel de cabaret et invite au voyage, comme la bande son d’un road movie poussiéreux dans lequel on retrouverait des personnages hauts en couleur et forts en gueule. Unis autour d’une diva bohémienne, Rosemary, la fratrie musicale affirme son caractère entre un harmonica de velours, des guitares Dobro et Gretch tantôt aériennes tantôt incisives, une contrebasse chaude et chaloupée, une tête de chamois nommé Gilbert, une valise à bout de souffle en guise de percussion, un xylophone minimaliste et une voix envoûtante qui transporte ce petit peuple sur une route musicale colorée.
Car chaque morceau de Moriarty raconte une histoire, celle d’une certaine Amérique, celle de Kerouac, celle de Springsteen, celle de voyageurs infinis qui puisent leur essence dans les rencontres et dans le partage, celle d’une balade où d’une cavalcade.
Avec beaucoup d’humour, les six dressent des tableaux musicaux qui prennent leur racine quelque part entre le blues des années 30, le folk, la country, le jazz, les dents acérés d’un cactus et la douceur d’un pantalon en velours côtelé.
Le public se délecte avec gourmandise de ces saynètes dans un théâtre qui prend la mesure de ce phénomène atypique et laisse opérer la magie.
Certains d’ailleurs regretteront le coté théâtral de cette formation mais ce coté délicieusement décalé fait de leur prestation un moment où l’image se mêle au son.
Moriarty est un groupe à écouter comme à voir.
Ces trois prestations confirment un festival GéNéRiQ désormais mis sur orbite, les programmateurs et les organisateurs de ce festival ayant tout misé sur la qualité, des lieux décalés aux artistes talentueux.
Ce satellite hivernal du grand Est est en passe de devenir un évènement incontournable car équilibré, multiple, fédérateur et découvreur. Un festival où chacun trouve son compte pour le meilleur et le plaisir.
Non, définitivement vous ne pourrez plus dire que les hivers sont froids dans l’Est. |