Les Tindersticks, c'est toute une histoire, une accumulation de souvenirs, tous bons, tous un peu nostalgiques, forcément.
Depuis leur début, et ce merveilleux album éponyme en 1993, jusqu' à Waiting for the moon en 2003, ce groupe a été de ceux, rares, qui furent de tous les instants, faisant peu cas des modes et des desiderata de l'industrie musicale.
Au-delà des albums, les Tindersticks, c'est aussi un groupe transcendé sur scène par le très charismatique chanteur Stuart Staples. Sa voix, ses textes sont pour une grande part dans l'attachement sans borne que l'on porte à ce groupe.
Mais pas seulement car l'identité musicale portée notamment par David Boulter est tout aussi importante. Pour preuves, les 2 albums solo de Staples (plus dépouillés même s'ils restent proches de l'univers du groupe) et les diverses collaborations de Boulter (notamment avec Murat sur Lilith) qui ont porté l'identité du groupe là où on ne l'attendait pas. Tout deux ont égrainé la musique des Tindersticks chacun à leur façon pendant une fausse (ou plutôt une "non-dite") séparation de 5 longues années.
Et c'est donc avec le printemps que ce nouvel album arrive sur nos platines, presque par surprise. Installé en France, Staples semble avoir retrouvé une certaine sérénité, bien que les chansons soient empreintes de mélancolie et de tristesse qui nous remplissent inexplicablement de bien-être.
Et "Introduction", sobrement nommé, pourrait suffire à notre bonheur. Ce titre instrumental, presque minimaliste, sorti de nulle part est la plus belle des façons de reprendre contact avec les Tindersticks qui, on le sent immédiatement, vont une fois de plus nous emporter bien loin, là où ils le veulent, et on les suivra les yeux fermés tout au long de The hungry saw.
Et la suite est effectivement à la hauteur, "Yesterday tomorrows" atteint des sommets de délicatesse et même si le noyau dur du groupe est réduit à 3 (Stuart Staples, David Boulter et Neil Fraser), les Tindersticks sont toujours des songwriters hors pair.
"The flicker of a little girl" rappelle "A mariage made in heaven" débarrassé des chœurs et de Bellucci, mélodie charmeuse et enjouée servie par des arrangements parfaits, savant mélange dont ils ont le secret entre pop anglaise et noirceur blues à la Nick Cave.
Maitrisées dans les moindres détails, les chansons des Tindersticks n'ont jamais été aussi abouties. Les claviers et les cordes reconnaissables entre 1000 sont toujours parfaitement employés tout comme les cuivres et bois qui viennent discrètement mais fermement renforcer le refrain de "Yesterday tomorrows". Un des plus beaux morceaux du disque, si toutefois il fallait cruellement choisir.
Choix auquel il faudrait ajouter "Boobar Come back to me", superbe d'élégance, aussi poignant qu'un "Tiny tears", une des pièces maitresse de la carrière du groupe.
Et puis The Hungry Saw propose également 3 titres instrumentaux, "Introduction", "E-Type" et "The Organist Entertains", qui prouvent une fois de plus qu'un beau morceau des Tindersticks sait aussi avoir une légitimité sans la voix de Staples.
The Hungry Saw pourrait bien être le meilleur album des Tindersticks à ce jour, sans aucun faux pas, aucune longueur et aucune faute de goût. C'est du même coup l'occasion idéale pour ceux qui ne connaissent pas encore d'appréhender aisément et le plus agréablement du monde leur discographie.
Quoi qu'il en soit, The Hungry Saw est indiscutablement indispensable. |