L'Islande, petite île volcanique de 260 000 habitants, s'avère un pays à l'univers musical particulièrement riche et prolifique pour ne citer que Bjork, Gus Gus ou Sigur Ros.
Sigur Rós fait figure de nouveau messie de la guitare post-atmosphérique ou de chantre du space-rock
Il est vrai que son succès peut s'expliquer, outre les qualités intrinsèques et novatrices de sa musique, par sa capacité à entraîner les auditeurs sur les chemins de leur imaginaire.
En effet, portée par l'orchestration d'instruments dont le groupe explore toutes les possibiltés pour mieux les détourner ( tel l'archet la baguette de tambour sur guitares), la voix pure, véritable instrument en soi sans comparaison possible sur la scène actuelle, de Jónsi Birgisson transcende les paroles tantôt chantées en islandais, tantôt en "hopelandish" (langue de l'espoir), langage imaginaire dont seul il possède les clefs et qui, en tout état de cause, ne sont intelligibles pour la majorité du public que par leurs intonations et leur pouvoir évocateur.
Toutefois, il paraît évident que Sigur Rós ne se contente pas de créer une musique qui faute de termes académiques de comparaison est classée dans le genre " atmosphérique ". On n'appartient pas à une île désignée comme une terre de feu et de glace, qui est une des plus jeunes terres de la planète, aux paysages grandioses et inquiétants générés par la coexistence des glaces et des volcans et peuplées de légendes sans en être imprégné. Et cela semble bien se retrouver dans leur univers musical.
Des images proposées par le groupe et de leurs interviews, on sent bien que leur musique n'est pas que " récréative ".Elle met en scène outre les composantes spécifiques de la nature islandaise des obsessions récurrentes .
Ainsi, les trois " clips " présentés en introduction du concert du 13 février 2003 au Grand Rex , laissent plutôt penser qu'il s'agit de la musique de l'innocence au sens philosophique du terme, de cette innocence qu'a l'homme avant d'atteindre l'âge de raison et que certains, pour des raisons évènementielles, garderont toujours. Qu'il s'agisse de l'innocence archaïque des trisomoqiues dans un ballet angélique, de l'innocence punie du jeune garçon aux poupées ou de l'innocence volée des enfants condamnés à jouer avec des masques à gaz dans une neige noire d'après cataclysme nucléaire (les cendres volcaniques de la plage de Vik). De plus, ces enfants se meuvent dans un espace temps ralenti à l'extrême qui accentue le caractère à la fois onirique et angoissant des images et des sujets.
Cet univers tellurique et pluridimensionnel accède à toute son amplitude sur la scène qui gomme les reliefs parfois trop planants des albums. Chaque concert paraît comme une grand messe car c'est bien de cela dont il s'agit. Envoûté par la musique cosmique, le spectateur flotte entre frissons et palpitations.
Et le petit groupe frêle, descendant du " peuple caché ", tout souriant, revient ingénument sur scène pour saluer et nous applaudir !