C 'est dans une jolie petite salle (presque élégante même, à la manière d'un club) des Lilas, le Triton, que se déroulait le 2ème tremplin rock du 93 qui se donne pour finalité de promouvoir des groupes ...du 93 qui ont vingt minutes pour convaincre.
La Gargotte inaugure la soirée devant un public clairsemé,
composé des amis et proches des groupes présents.
Un nom sans équivoque pour un groupe 5 personnes (guitare, accordéons,
contrebasse, instruments à vent et percussions en tout genre et même
une scie musicale) bien installé dans un créneau chansons néo
réalistes. Ambiance très cabaret montmartrois donc avec un chanteur
à la voix de stentor qui écrase un peu les 2 voix du guitariste
et de la clarinettiste (mais non elle chante pas en même temps qu'elle
joue de la clarinette !). Les quelques interventions des membres du groupe entre
les chansons sent malheureusement trop le préparé et tombent un
peu à plat, le public il est vrai n'étant pas d'une grande réceptivité.
Un groupe à la croisée des chemins de la musique réaliste
et bobo (entre Bruand et Tiersen) et parfois sur un morceau
plus calme et plus dépouillé qui flirte avec la musique médiévale
à la façon de Trees dance par exemple.
Le groupe suivant dont le nom, anoné par un chanteur-joggeur déja essouflé, inaudible restera donc anonyma nous sert un plat réchauffé à la hâte au micro onde à base de gros morceaux de Zebda et de Tonton David réunis. Une ragga festif accompagné de cuivres mais le chanteur principal n' a pas de voix et se sort mal de cet amas sonore.
Le pire était néanmoins à venir avec le groupe 160 (prononcer unsixzero). Un DJ à casquette et 2 rappers sur la scène mettent une ambiance du tonnerre parmi ... leurs 6 supporters personnels. Totalement inintéressant et caricatural.
Passons sur l'ersatz des Pizzicato five dans lequel se greffe une flûte traversière relativement inutile aux morceaux. Cela étant, la chanteuse japonaise, jeune personne censée symboliser la manguette, est rigolote et le genre encore relativement rare en France ; mais tant qu'à faire écoutez les Pizzicato five dans le style relecture de standards des années 70 (Michel Legrand en tête).
Finalement le seul groupe qui sort nettement du lot, c'est Station Joya (prononcez le j comme la jota espagnole), pour qui, il faut bien l'avouer, nous étions venus et que nous avions rencontrés, attendant d'ailleurs leur actualité pour poster leur interview.
Selon leur bio, le quator de Station Joya veut distiller "une sorte de mélancolie amicale" à travers un mélange de ballades pop/ténébreuses et des chansons nerveuses punkisantes.
John Martinez, pieds nus tout comme Sylvain Vaugeois, le bassiste (à la mode Sigur Ros ?), se lance illico dans une interprétation de "Feed me" accroché à son micro tentant de surmonter un mélange de trac et de désir de bien faire palpable dans sa voix comme dans ses gestes. Il entre assez vite dans sa musique et en oublie parfois de chanter dans le micro. Il oublie aussi qu'il est en concert et montre en temps réel son insatisfaction entre 2 couplets en plissant les yeux (les spots y étant aussi pour quelque chose) et en marmonnant lui seul sait quoi.
Quant aux autres membres, si le bassiste semble également un peu tendu au début il se relachera assez vite, tout comme le batteur, Julien Chastang, avec son petit air d'Elvis Costello, énergique à souhait, impeccablement calé derrière ses futs.
Steeve Bourlet, le guitariste semble carrément heureux de jouer là et sourit en direction de la table des "proches". Peut être trop appliqué, il gagnerait probablement à laisse un peu aller sa guitare (très jolie) qui reste un peu trop propre et donne parfois une coloration quasi radio-crochet.
Mais c'est sur "Foyer Vietnam" que John, qui révèle une belle énergie et de la présence sur scène, commence franchement à se lâcher et on devine derrière son attitude une envie de scène plus grande avec du public autour, mêlée à un inévitable mimétisme avec ses idoles ; quand il avance dans le public (enfin quand il sort de scène car de public il n'y en a guère) on pense bien sûr à un Morrissey débutant ou à Ian Curtis auquel il semble avoir emprunté certaines postures.
Le set, qui parait plus court que les autres, se terminera sur "Speed" sur lequel tout le monde se laisse enfin aller et John particulièrement qui impose enfin sa voix assez particulière (qui peut passer du grave à l'aigu, de chevrotante à beucoup plus sure d'elle) comme elle le mérite.
Un concert trop bref pour se rendre compte du potentiel de ce groupe en live mais qui vient confirmer que la pop brute de Station Joya mérite d'être connue.