Texte
de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Sylvain Maurice,
avec Alain Macé.
2007 était l'année Lagarce et de nombreux textes
ont été joués à cette occasion.
"L'apprentissage", texte court qui constitue avec
"Le voyage à La Haye" et "Le bain"
la trilogie connue sous le titre "Trois récits"
qui figure parmi ses derniers écrits, avait notamment
été monté par Jean-Charles Mouveaux au
Théâtre du Marais qui en donnait une lecture épurée
au plus près des mots "autobiographiques".
Ces textes relatent en effet des épisodes de la vie en
déliquescence de Lagarce, alors gravement malade.
Alain Macé, silhouette fragile, en équilibre,
funambule du verbe, qui porte ce texte depuis longtemps, est
plus âgé que Lagarce quand il l'a écrit
et en donne une lecture nouvelle, éclairée sans
doute par son parcours personnel, qui ouvre le champ des possibles.
En qualifiant de "récit de renaissance" ce
texte de commande sur la thématique du récit de
naissance, Jean-Luc Lagarce brouille-t-il les pistes ou, plus
simplement, évidence qui ne peut se révéler
qu'au cours de lectures successives, ce texte si simple, si
patent, comporte-t-il plusieurs couches ? Lagarce, qui y évoque
l'incomparable plénitude d'"être en dedans
de soi", n'était-il pas déjà passé
de l'autre côté du miroir ?
Quelques indices. Un miroir ici symbolisé par un rideau
en drap, qui évoque également le rideau de théâtre,
laisse apparaître l'officiant, parfois auréolé
d'un spot comme une vedette de music hall, qui vient soliloquer
face au public. Le parti pris d'un certain détachement
donné au personnage par le comédien, personnage
spectateur presque amusé de sa propre vie. Le vêtement,
plus il va vers la "guérison" plus il est nu.
Pour ne pas prendre la renaissance au pied de la lettre.
Le texte est bouleversant à plus d'un titre, une fois
écarté l'aspect compassionnel attaché à
cette brève chronique d'une mort physique annoncée
encore une fois repoussée. Parce que Lagarce livre et
aussi parce qu'il exhorte l'homme à l'oralité.
Lui qui portait un tel soin à l'écriture crie
son besoin d'oralité, de la parole dite, de l'altérité
vécue et partagée par la parole.
Dans ce texte, alors que lui-même semble emmuré
dans le silence, où dans une autre dimension temporelle
qui le rend inaudible aux vivants, seule sa voix intérieure
résonne, pour lui seul, et il s'étonne et déplore
qu'on ne lui parle pas. "On" c'est aussi bien un proche,
A, qui veille à son chevet que la grosse fille préposée
aux soins qui lui parle à la troisième personne
et, plus loin dans le passé, ses parents.
Avec un talent et une humanité rares, Alain Macé
incarne toute la sensibilité, la clairvoyance et l'acuité
du regard et de la plume, et l'humour désenchanté
de Lagarce. De quoi ne pas sortir indemne de ce spectacle qui
donne furieusement envie de lire et de relire Lagarce. Pour
croquer une fois encore les cerises de la vie, même si
elles peuvent ne pas être douces et juteuses. |