Nouvelle de Eugène Ionesco, mise en scène et interprétée par Jean-Marie Sirgue.
Lorsqu'on évoque "Rhinocéros" de Ionesco, on pense à la pièce de théâtre que nous avons parfois eu au programme de français au lycée. Alors on se souvient de Béranger, on connaît à peu près les mystères : la métaphore d'une invasion de rhinocéros pour exprimer l'occupation allemande pendant les années 40.
Ce que nous propose Jean-Marie Sirgue, c'est de découvrir la nouvelle de Ionesco, également baptisée "Rhinocéros". Elle comprend déjà les situations de la pièce. Alors, seul en scène, il fait de la nouvelle, qu'il reprend intégralement, une pièce, jouant chacune des parties des dialogues, incarnant tous les personnages.
L'interprétation pose alors les questions de manière plus accrue : qu'est-ce qui différencie Béranger de Jean, de Dudar. Comment une même humanité peut-elle se transformer en monstre, pourquoi certains et pas tous ?
Et Béranger, qui reste à peu près seul au monde, a-t-il le choix de sa position, lui dont la peau reste irrémédiablement flasque, la voix fluette ? Quand les raisonnements et toute la dialectique savante n'auront servi qu'à banaliser le scandale, qu'à vider les consciences de toute révolte, il reste un récit, celui d'un homme entier, qui aime les plaisirs de la vie, l'amitié, l'alcool, les femmes ; il reste le témoignage de celui que l'Histoire nommera, plus tard, avec grandiloquence, un héros de la Résistance.
Jean- Marie Sirgue, sans évacuer le burlesque de l'absurde, ne nous met pas moins en garde : le combat contre la barbarie n'est jamais gagné d'avance et nous ne sommes pas épargnés, aujourd'hui, en France, de l'endoctrinement et des discours haineux. Et si, en chacun de nous sommeillait un Rhinocéros qui ne demanderait qu'à être réveillé...