Que ceux qui connaissent Ron Sexsmith lève la main ? (silence gêné) Vous êtes 2 (grattement de gorge), c’est peu.
Effectivement, Ron Sexsmith est un artiste atteint d’un mal rare, le nobodysme aigu. Personne n’a jamais entendu parler de ce type. Pour preuve, c’est le neuvième album du songwriter canadien qui est à l’origine de cet article et vous n’en saviez rien. Et pourtant Ron est ce qu’on pourrait appeler une référence pop-folk. Admiré par ses pairs, et pas n’importe lesquels : Elvis Costello, Paul McCartney, Rod Stewart. Même la reprise de "Secret Heart" par ce dernier n’a pas réussi à mettre fin à la malédiction (réflexion faite, elle a peut-être bien contribué à sa pérennité en fait).
Alors, on se pose une nouvelle fois la question. Est-ce que ce nouvel album fera enfin sortir Ron Sexsmith de l’anonymat dans lequel il est englué ?
La réponse est malheureusement non. Pourquoi me demandez-vous légitimement ? Et bien parce que Ron nous a fait un espèce de "come back to the basics" qui ne fleure pas bon le vieux grenier. Ainsi, le monsieur explique : "Lorsque nous sommes entrés en studio avec Martin (ndlr : Terefe, le producteur), nous étions surtout préoccupés par l’idée de ne pas nous répéter. […] (cet album) est sans doute plus brut et marqué par une musique encore plus ancienne".
Exit Strategy Of The Soul est donc truffé de sonorités et de clichés poussiéreux soul américains, exemple le plus probant "Poor Helpless Dreams". Les chœurs emprunts de romantisme, les cuivres, le piano, le chant mélo, le rythme lent… tout dans cet album est orchestré avec un grand professionnalisme et une grande rigueur ayant effectivement pour effet de transporter l’auditeur dans les Grandes Plaines du nord-ouest ricain. Une réussite donc… pour qui fantasme encore sur le pays des subprimes.
Difficile de comprendre pourquoi ce choix du raisonnable artistique, alors que le monde musical actuel voit éclore un nombre impressionnant de groupes pop-folk débordant de créativité et de nouveaux sons. Difficile aussi de croire que ce même Ron ait pu s’éloigner autant de ce qu’il était avec Retriever en 2004. Un album inventif, au style hétéroclite et vivant.
Voilà, c’est en fait cet album, Retriever, qui aurait dû faire sortir une bonne fois pour toute le canadien de sa cabane super bien planquée. Loupé. On dirait bien qu’on n'a pas fini d’entendre l’éternelle exclamation, Ron Sex-quoi ? |