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Toystore  (Discograph)  octobre 2008

Du temps de sa splendeur, les journalistes paresseux ont souvent comparé Benjamin Biolay à feu Serge Gainsbourg. La voix basse ou chuchotée, le talent de "faiseur", la propension à écrire pour des femmes… Il n’en a pas fallu plus pour que le musicien, révélé via les disques de Keren Ann ou d’Henri Salvador, devienne le nouveau chouchou branchouille de médias musicaux en mal de gainsbarritude.

Pendant un temps, cette comparaison fut plutôt flatteuse : alors que les tenants de la terne nouvelle scène française (Bénabar, Delerm, Cherhal) lorgnaient du côté de Souchon ou Delpesch, la caution du grand Serge apporta un supplément de brillant à l’aura de Biolay.
Mais les comparaisons hasardeuses ne tiennent pas longtemps, et les années qui suivirent nous révélèrent bien vite la supercherie : l’inspiration du beau ténébreux avait très vite révélé ses (dures) limites, les disques s’étaient avérés de moins en moins réussis et les collaborations de plus en plus routinières. Il n’était donc plus question de comparer ce feu de paille (3 ans ? 4 ans ?) à l’astre fumeur de gitanes qui avait au moins illuminé deux décennies de musique française.

Néanmoins, du fond de sa traversée du désert (illustrée par les albums Home et A L’Origine, particulièrement), Benjamin Biolay avait continué à écrire pour sa petite sœur Coralie Clément, et le disque publié en 2005, Bye Bye Beauté, nous avait paru bien supérieur à tout ce que le frangin avait pu produire par ailleurs.
Pour le coup, la comparaison avec Serge Gainsbourg redevenait enfin valable sur un point : même au plus creux de leur inspiration, tombés dans la facilité et la routine (les 80’s pour l’aîné, ces 5 dernières années pour le jeunot), les deux auteurs-compositeurs avaient continué à peaufiner et sertir les disques d’une égérie, qui récoltait le meilleur de leur production cependant qu’eux-mêmes s’acharnaient à partir en sucette sur leurs productions personnelles.

Coralie Clément peut donc prétendre jouer pour son frère le même rôle de "face B sensible" que Jane Birkin pour le Gainsbarre des années de compromission. Après réflexion, tout cela parait cohérent : selon la "légende", c’est justement en pensant offrir des chansons à la muse anglaise du grand Serge que Benjamin Biolay avait écrit et composé, en 2001, ce qui reste sans doute à ce jour son plus beau recueil : Salle des Pas Perdus. Et c’est en enregistrant ces titres sur démo que le potentiel de l’association grand-frère-petite-sœur avait éclaté aux oreilles d’un directeur artistique. La voix témoin avait fini par devenir la voix définitive, et la carrière de la jeune femme était lancée.

Trois ans après un Bye Bye Beauté inspiré par la power pop de Weezer ou Nada Surf, Toystore vient donc nous donner des nouvelles rassurantes de l’ex-futur-grand espoir de la néo chanson française.
Et alors que son précédent disque personnel (l’honorable Trash Yé-Yé, qui témoignait déjà d’une volonté louable de rectifier le tir et sortir du marasme) affichait une mine sombre et un ton dépressif post-rupture, le musicien-réalisateur prodige a offert à sa sœur un disque aux antipodes, court vêtu et bon pour le flirt, dont la tournure musicale sobre et légère illustre à ravir des textes à l’éclat adolescent retrouvé. Saisissant contraste qui dit assez, quoi qu’on pense de lui, la versatilité et la richesse d’inspiration du bonhomme…

Afin de renforcer le parti pris de légèreté et offrir une ligne directrice à l’album (le mot "concept" serait ici un peu fort), il a été décidé que celui-ci serait joué en grande partie sur des instruments-jouets, qu’ils soient ukulélé, flûtiau, toy-piano ou batterie pour enfants. Il en résulte un univers sonore étrange, entre économie et désuétude, pas tout à fait minimaliste (Biolay est trop musicien pour ça) mais tout de même débarrassé des excès maximalistes qui encombraient certains de ses propres disques (lorsqu’il confondait profondeur et remplissage, s’acharnait à empiler les pistes et les couches, grosses guitares et violonades à tous les étages). De fait, le disque est musicalement plus proche de l’inaugural Salle des Pas Perdus que de la pop électrique de Bye Bye Beauté, à cette réserve près que le parti pris de simplicité et d’orchestration systématiquement originale confère ici aux morceaux un aspect un peu unidimensionnel, ce qui n’était pas le cas dans le disque de 2001 (où les arrangements très riches ornementaient à ravir la simplicité des thèmes et la fausse facilité des airs : un genre de profonde légèreté, en somme).

Mais ne faisons pas plus longtemps la fine bouche : Toystore contient suffisamment de refrains piquants et de gimmicks malicieux pour nous séduire en douceur et caresser dans le sens du poil. Nous alpaguer facilement (mais sans putasserie), gentiment (mais sans niaiserie)… Durablement ? On ne saurait dire encore… mais l’immédiateté du disque colle bien avec l’idée de retour aux sources (enfance, simplicité, bon esprit) induite par son titre.
Les textes des chansons, comme d’habitude chez Biolay, échappent au narratif (cette plaie de la nouvelle scène française, qui de Cherhal à Bénabar nous pourrit durablement la vie) et au poétique virtuose : ils rebondissent de coqs à l’âne en association de sons et d’idées, dans une tournure au relâché très moderne, qui laisse une place à l’imaginaire de l’auditeur sans pour autant s’avérer désincarnée.
Qui plus est, deux titres (l’un en anglais craquant, l’autre italien avec accent frenchy à couper au couteau) viennent diversifier un peu les jeux de langues de la donzelle, pour notre plus grand plaisir.

Parmi la dizaine de petits tubes (sur 12 titres !) que recèle l’album, on signalera de préférence "Le Baiser Permanent", "Paris 10h du soir" ou encore l’épatant "On était bien". Ce dernier titre a d’ailleurs tout le potentiel requis pour devenir un nouveau classique coralieclémentien et détrôner l’antique "Ca Valait La Peine", dont il constitue presque la suite, après ellipse : à l’émoi de la rencontre succède le souvenir attendri de la romance achevée.
Comme dans la majorité des chansons de l’album, une mélancolie tenace se glisse dans la légèreté de l’évocation, pour la lester d’un petit poids d’émotion ; le savant dosage des deux déterminant la réussite du tout. (A cet égard, seule petite réserve : on s’avoue un peu déçu par le duo avec Daho, "Je ne sens plus ton amour". Trop univoque dans son mal-être, d’une tristesse un peu forcée, qui jure avec le reste).

Au final, et même si le disque ne parvient pas tout à fait à nous faire oublier les débuts tonitruants de l’attelage Biolay-Clément, il s’avère assez digne pour nous rassurer un peu sur l’état artistique du jeune prodige déchu, et nous laisser espérer de nouveaux "Lendemains qui chantent".
La noirceur outrée de ses dernières productions et interviews (où il s’était laissé aller, sur un mode "roue libre mal rasé" très déplaisant et complaisant) a ici refait place à une subtilité qu’on croyait perdue : la faculté à faire passer les drames et rancoeurs sous des dehors séduisants, insinuer la mélancolie dans des refrains pops plutôt que nous postillonner sa noirceur rock en pleine face.
Il ne le sait peut-être pas, mais ces habits-là (ceux de ses débuts, finalement !) lui vont encore infiniment mieux que sa pénible défroque gainsbarrienne de ces dernières années.
On espère donc qu’il persévérera dans cette voie, et retrouvera (avec ou sans sa charmante sœur) le meilleur de son inspiration.

 

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Coralie Clément en concert au Café de la Danse (30 avril 2005)

En savoir plus :
Le site officiel de Coralie Clément
Le Myspace de Coralie Clément


Nicolas Brulebois         
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