Comédie de Hanohk Levin, mise en scène de Alain Batis, avec Raphaël Almosni, Jean-Yves Duparc, Emmanuelle Rozès, et Marc-Henri Lamande (piano), Alain Karpati (clarinette) et Louise Chirinian (violoncelle).
Dans "Yaacobi et Leidental", ils sont trois. Le trio fameux. Mais Hanokh Levin en concocte une variation inattendue. Les deux amis, Itamar Yaacobi et David Leidental coulaient les jours heureux et paisibles d'une vie vide et végétative rythmée par de longues soirées à siroter du thé en jouant aux dominos.
Jusqu'au jour ou Yaacobi, sujet à une soudaine illumination, est saisi par un besoin irrépressible de connaître la vraie vie, et le bonheur, ce miroir aux alouettes inventé par Dieu pour distraire ses créatures de l'effroi de la mort inéluctable. Et son destin va prendre le visage de "beaux seins et gros popotin", la plantureuse Ruth Chahach qui aspire à se caser. Et Leidental ? Et bien il s'offre en cadeau de mariage.
Mais pour Hanokh Levin, la vie, et a fortiori le mariage, est une laborieuse entreprise et les différents épisodes de cette union composent une fresque tragi-comique exemplaire de la condition humaine qui se décline, en l'espèce, en scènes bouffonnes et en chansons délirantes qui sont autant de piètres et illusoires cautères sur une issue désespérée.
Car les personnages de Hanokh Levin sont des humains à la fois terriblement ordinaires, par la petitesse de leur vie et de leurs moyens par rapport à leurs ambitions, et singulièrement extraordinaires en ce qu'ils réussissent la simultanéité de vivre et de se rendre compte de la vacuité de ce qui leur arrive, ce qui les mène inéluctablement au désespoir.
Cette pièce s'inscrit totalement dans le registre du questionnement métaphysique fondamental de l'homme, celui du sens de la vie, que Alain Batis explore, spectacle après spectacle même si dans ses précédentes créations, "Neige", "Les quatre morts de Marie", "L'assassin sans scrupules" et, tout récemment, "Face de cuillère", il avait affaire à une écriture et un répertoire bien différents.
Déjà accoutumé au verbe caustique et cependant profondément humain de Hanokh Levin, il propose un véritable spectacle de théâtre populaire qui allie le mime, le guignol, la comédie, le vaudeville et le burlesque sans pour autant gommer le fond du propos.
Dans un décor qui évoque un manège forain, la grande farce de la vie se déroule sur un rythme trépidant, scandé par des intermèdes chantés sur une étonnante partition musicale, qui, à l'instar des paroles écrites par Levin, mêle le pathétique au festif.
Composée par le très inspiré Cyriaque
Bellot et interprétée en direct par Louise
Chirinian au violoncelle, Marc-Henri
Lamande au piano et Alain Karpati
à la clarinette, elle offre un bel écrin
aux comédiens-chanteurs. Des comédiens-chanteurs
qui sont épatants et réussissent une bien belle
prestation.
Raphaël Almosni, excellent Leidental,
Jean-Yves Duparc, savoureux Yaacobi, et Emmanuelle
Rozes plantureuse Ruth, jouent avec beaucoup d'intelligence,
et de mesure dans la démesure, les pantins frénétiques
qui veulent absolument faire trois petits tours avant de disparaître.